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jeunes seigneurs et les jeunes femmes du XIIIe siècle n’ont-ils point pratiqué des danses plus compliquées et plus ingénieusement agencées ? C’est ce que je voudrais rechercher ici. M. A. Jeanroy écrit, dans une note de son livre sur les Origines de la poésie lyrique en France : « Il est fort possible que les couplets aient été chantés non par un seul personnage, mais par tout un groupe, et que les caroles n’aient pas été seulement des danses en rond, mais des danses à figures. Il serait bien étonnant, en effet, que le moyen âge n’ait pas su donner quelque variété à un divertissement auquel il s’est livré avec tant de passion[1]. » M. Jeanroy s’en tient à cette indication ; il n’y a qu’à la suivre : peut-être réussirons-nous à retrouver quelques formes nouvelles de ces jeux..


Rappelons-nous d’abord, entre tant de descriptions de caroles, ces vers, souvent cités d’ailleurs, du Roman de la Rose :


Deus damoiselles moût mignotes,
Qui estoient en pures cotes
Et trecies a une tresse,
Fesoient Deduit par noblesse
En mi la carole baler ;
Mais de ce ne fait a parler (a)
Com el baloient cointement (b) :
L’une venoit tout belement
Vers l’autre, si s’entregetoient
Les bouches, qu’il vous fust a vis
Que s’entrebaisassent ou vis (c).
Bien se savoient desbrisier[2].


Que disent ces vers ? Que la balerie est une sorte de scène mimée et chantée qui s’exécute à deux ou trois personnages en mi la carole, au milieu de la ronde, tandis que danseurs et danseuses tournent à l’entour. En effet, un certain nombre de fragmens de chansons à danser s’expliquent mal si on les suppose chantés par le coryphée ou par le chœur : prêtez-les à des personnages de ballet dansant au milieu de la carole, ils s’animeront d’un mouvement plus expressif. Plusieurs de ces textes montrent que les danseurs ne se tiennent pas par les mains, comme dans

(a) On ne saurait décrire. — (b) Élégamment, — (c) Il vous eût semblé qu’elle se baisaient au visage.

  1. P. 394.
  2. Vers 734 et suivans.