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des étoffes, tandis que par sa résistance à la liquéfaction il constitue un milieu de culture très apprécié en microbiologie ? Tissés d’une certaine façon, les stipes des macrocystes remplacent avantageusement les palangres de pêche chez les Fuégiens ; dans les troncs cornés d’une espèce de laminaire, nos équipages baleiniers se taillaient jadis d’excellens manches de couteaux, et, aujourd’hui encore, les chirurgiens dilatent les trajets fistuleux à l’aide de ces mêmes laminaires préalablement séchées et stérilisées. Telles îles de notre littoral, Sein, Molène, Ouessant, Batz, Bréhat, etc., dénudées par la violence des vents, ne seraient pas habitables sans les inépuisables réserves de combustible que leur fournissent les amas d’herbes marines rejetées sur leurs bords : c’est le putès ou goémon d’épave que la législation distingue du goémon de rive et du goémon de fond, et dont la récolte est libre en tout temps. Le goémon de rive, au contraire, ne peut être coupé qu’à certaines époques déterminées et sous certaines conditions ; mais aussi sa valeur marchande est bien supérieure à celle du goémon d’épave, et l’agriculture, dans le Cotentin, la Bretagne, la Vendée, la Saintonge, le recherche avec raison comme un amendement de premier ordre et d’un bon marché exceptionnel. Enfin le goémon de fond, dont la récolte n’est permise qu’aux seuls inscrits maritimes[1], séché, incinéré et converti en blocs de soude, prend généralement la direction des usines du littoral, où on l’utilisait autrefois pour la fabrication du verre à vitre et où on le fait servir aujourd’hui à la fabrication de l’iode et de ses dérivés.

Voilà bien des services que rendent les algues marines et qui suffiraient pour leur assurer notre reconnaissance. Or, il s’en faut que toutes les applications des algues soient connues. N’est-ce pas hier seulement (1890) que des industriels de Cherbourg et de l’étranger s’apercevaient que le chondrus crispus jouit des mêmes propriétés que le coûteux agar-agar de Malaisie et du Japon et peut lui être substitué sans inconvénient dans le traitement du papier et des impressions sur étoffes ainsi que dans la confec-

  1. « Néanmoins, dit l’article 118 du Décret du 6 septembre 1853, pour la récolte de ceux de ces goémons qui sont destinés aux besoins particuliers des cultivateurs, ces derniers et leurs valets de ferme peuvent accidentellement s’adjoindre aux équipages réguliers des bateaux, sans toutefois que leur nombre excède deux individus par tonneau, non compris les hommes du bord. » En réalité, nombre de petits cultivateurs sont en même temps inscrits maritimes