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lanques deux et trois mètres d’épaisseur. Ces mêmes zostères, de qualité plus fine dans les étangs marins, sont recueillis et vendus au commerce sous le nom de « varech d’emballage » ou de « varech à matelas » par une demi-douzaine d’industriels établis à Marignane et à Balaruc.

Le varech n’est pour rien dans l’affaire cependant, les zostères ou posidonies appartenant à la classe des monocotylédones. En réalité, les Provençaux n’exploitent aucune espèce de varech, soit que la récolte leur en paraisse trop difficile dans une mer qui n’a pas de marée, soit qu’ils ignorent ou méconnaissent les différens partis qu’on en peut tirer dans l’industrie, la médecine, et jusque dans l’art culinaire.

Regrettable indifférence, mais que partagent tous nos traités de cuisine ! On dirait à les lire que les algues n’existent pas ou qu’il n’en est point qui soient comestibles. Les Japonais ne sont point de cet avis, qui donnent aux algues toutes sortes de jolis noms d’amitié : tengousa, kokuributo, tokoro, ao-mori, etc., etc., et les accommodent de mille façons ingénieuses. La durvillea utilis est fort estimée des gourmets chiliens ; il n’est pas rare de voir figurer sur les tables écossaises les beaux thalles rosés de l’iridæa edulis ou les lames foliacées de l’alaria esculenta (badderlok), également prisée, sous le nom de hen-voare, par les Irlandais, qui lui préfèrent cependant leur carragahen national. L’ulva lactuca ou laitue de mer, préparée en salade, compte des fanatiques jusque chez nous, et le carragahen se retrouve dans ces « blancs-mangiers » au goémon blanc, entremets favori des Bas-Bretons.

Dans la thérapeutique, sans doute, l’emploi des algues est devenu moins fréquent qu’autrefois ; mais le fucus serratus est toujours préconisé contre la polysarcie ; on se sert comme émollient, dans plusieurs maladies, de l’œthiops végétal tiré du craquet ou fucus vesiculosus ; la coralline blanche n’est abandonnée que depuis qu’on a découvert dans la mousse de Corse, agrégat de petites algues corallifères, un helminthifuge plus énergique. Faut-il rappeler encore qu’une certaine floridée, la rysiphlœa tinctoria, passe pour avoir fourni aux anciens la fameuse pourpre de Tyr ? Ne sait-on point que l’agar-agar de Malaisie et du Japon, extrait de la gracilaria lichenoides, a envahi peu à peu les marchés européens, où sa gelée onctueuse et transparente le rend également propre à la fabrication des confitures et au laminage