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que deux scènes en trois ans. À l’examiner de près, la considérable production de Beyle se compose principalement de notes prises au jour le jour, sans effort de composition ni de style, auxquelles il faut adjoindre de courtes nouvelles, et quatre ou cinq romans que leur procédé de composition permet de ranger sous les deux précédentes rubriques. Que sont-ils autre chose en effet que des anecdotes et des traits isolés d’observation sociale, cousus tant bien que mal autour d’une trame d’égotisme, d’un portrait psychologique de l’auteur ? Il emprunte simplement pour la circonstance un de ses noms ou qualités d’emprunt, qu’il savait si bien revêtir aussi dans la vie réelle. Il est Octave, Julien, Leuwen, Fabrice ou Sans-Fin. Le Rouge et le Noir fut le plus travaillé de ses écrits : et ce n’est pas beaucoup dire si l’on songe aux innombrables hors-d’œuvre dont est fait ce baroque récit. Armance n’est guère qu’une nouvelle un peu développée. Leuwen et Lamiel sont des ébauches. Et quant à la Chartreuse de Parme, l’intrigue tourne tellement court dans les dernières pages du livre, qu’on croit y lire le scénario d’un second volume, dont l’ampleur devrait être égale à celle du premier, pour laisser quelque proportion à l’ensemble. De toute évidence, l’auteur, à bout de souffle, s’est arrêté soudain dans le développement de sa matière.

Que dire de la Peinture en Italie, réduite, au point de vue historique, à quelques considérations sur Vinci et Michel-Ange ? De son Napoléon surtout, qui devait d’abord compter vingt volumes, puis six, et fut finalement réduit à la taille d’une courte notice sur les premières campagnes du grand capitaine ? C’est qu’une œuvre de longue haleine exige préparation ingrate, persévérance dans l’effort, crises de découragement surmontées : toutes choses impossibles à l’aboulique par tempérament. La besogne est tellement plus agréable et plus facile, qui consiste à parler de soi-même, de ses sensations et de ses affaires, en suivant le fil de son caprice et de sa fantaisie. Il savourait en gourmet le plaisir de la confession, ce mécréant qui jugeait si parfaitement aimable la religion des Napolitains, parce que, à l’en croire, elle leur permet tous les péchés possibles sous la condition d’en venir bavarder de temps à autre au tribunal de la pénitence, avec un surcroît de plaisir et de complaisance envers soi-même. Il a, pour sa part, installé le public au confessionnal, et ne lui a pas ménagé les commérages scandaleux sur ses péchés. La rédaction