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Tout d’abord, il faut constater que les enseignemens tactiques de la guerre sud-africaine se sont non seulement vérifiés, mais encore précisés, principalement en ce qui concerne la grande extension des fronts de combat. Les fronts, rendus très forts par la puissance des armes et l’emploi des travaux de campagne, ont été difficiles à forcer, même par des troupes intrépides, prodiguant leur vie sans compter. L’efficacité des mouvemens enveloppans s’est constamment affirmée, toutes les fois que l’adversaire a pu être fixé sur ses positions, par des attaques vigoureuses, opiniâtrement renouvelées. Les combats de nuit, autrefois employés presque exclusivement dans la guerre de siège, déjà fréquens au Transvaal, sont devenus maintenant d’une pratique courante dans la guerre de campagne. D’autre part, les combats de rencontre ont été des plus rares. Des circonstances qu’il ne convient pas de discuter, dans une étude tactique, ont constamment amené l’armée russe à s’accrocher à des positions ; faute grave, que l’énergie des contre-attaques n’a jamais pu réparer.

Pour juger l’ensemble des procédés tactiques employés, il est nécessaire d’examiner séparément l’action des différentes armes. Les conditions nouvelles de leur emploi s’en déduiront.


Quels espoirs les amis de la Russie ne fondaient-ils pas sur sa cavalerie ? Pourquoi ont-ils été déçus ? La cavalerie s’est-elle donc montrée insuffisante ? Sa supériorité était cependant indiscutable. Supérieure par le nombre, la qualité des chevaux, l’instruction technique, les traditions de ses vieux régimens, elle pouvait agir en toute liberté. Les Cosaques, partout cités comme type de la cavalerie légère, devaient envelopper l’adversaire d’un filet à mailles souples, ne laissant aucun mouvement inaperçu. D’après les doctrines en cours dans les cavaleries européennes (l’Angleterre exceptée), la cavalerie russe, maîtresse du terrain, libre de ses mouvemens, armée de carabines, pourvue d’artillerie à cheval, avait toute facilité pour maintenir constamment le contact, retarder la marche des colonnes, harceler les convois, couper les lignes de communication, jouer dans la bataille un rôle important. Son impuissance a été un sujet d’étonnement. Elle était fatale, pour deux raisons : instruction de tir très médiocre, artillerie impuissante contre les villages ou les retranchemens de campagne. La cavalerie russe est