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voulu, comme il le disait, rétablir nos rapports dans les termes où ils auraient dû toujours rester, l’occasion était admirable pour lui. Après le sacrifice pénible que nous avions fait, un peu de bonne grâce de sa part aurait produit la meilleure impression : de la détente serait sortie l’entente, de la réconciliation la conciliation. Mais ce n’est pas ce qui a eu lieu. Jamais, depuis bien longtemps, l’attitude de l’Allemagne n’avait été plus rogue, ni son langage plus dur. Le lendemain même de la démission de M. Delcassé, le prince Radolin venait dire à M. Rouvier que l’Allemagne était derrière le Maroc, — on assure qu’il a ajouté : avec toutes ses forces, — et le prince de Bülow conseillait à M. Bihourd de clore au plus vite une question « mauvaise, très mauvaise, » qui était « bordée de précipices et même d’abîmes. » On nous a reproché par la suite d’avoir adressé un ultimatum au Maroc : ceci ressemblait bien à un ultimatum qu’on nous aurait adressé à nous-mêmes. Les conditions en étaient d’ailleurs indéterminées : on voulait seulement exercer sur nous une intimidation générale. Mais l’effet produit n’a pas été tout à fait celui qu’on espérait. Notre gouvernement a compris aussitôt ce que tout le monde comprend encore mieux aujourd’hui, que M. Delcassé et sa politique n’étaient pas le seul obstacle entre l’Allemagne et nous. Il fallait nous préparer à soutenir un nouvel assaut. Nous nous y sommes préparés ; nous l’avons soutenu. Nous avons d’ailleurs continué de faire preuve de l’esprit le plus conciliant, et c’est ainsi que nous sommes arrivés à conclure avec l’Allemagne les arrangemens du 8 juillet et du 28 septembre, qui complètent ceux que nous avions faits antérieurement avec d’autres puissances, y compris le Maroc lui-même. C’est avec tous ces titres en main que nous irons à la conférence. L’arrangement du 28 septembre consacre nos droits de police exclusifs sur la frontière algéro-marocaine. L’arrangement du 8 juillet reconnaît nos intérêts « spéciaux » dans le Maroc tout entier, et consacre du même coup les droits qui en résultent. D’autres puissances les avaient reconnus et consacrés avant l’Allemagne : nous nous proposons de n’en laisser périmer aucun. Ici, il faut être très net pour qu’il n’y ait pas de surprise. Les journaux allemands affectent depuis quelque temps de ne parler que de l’arrangement du 28 septembre et d’oublier celui du 8 juillet. Pourquoi ? C’est que celui du 28 septembre ne se rapporte qu’à la frontière, tandis que celui du s’juillet s’étend, comme nous l’avons dit, à l’ensemble du Maroc. On semble vouloir aujourd’hui nous cantonner dans la région frontière pour conclure que, dans le reste du Maroc, nous sommes exactement sur le même pied que les autres. Nous sommes