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l’apparition du dernier diamant ; et le fils du roi des grenouilles de ce marais est convaincu que c’est lui qui a le diamant dans sa tête. Ses parens, et tout son peuple, en sont également convaincus, de sorte qu’il n’y a pas une des sottises du stupide jeune prince qui ne leur paraisse admirable. Or le prince apprend, un jour, qu’un de ses sujets, méprisé de tout le royaume pour sa couleur verte, l’éclat de ses yeux, et son habitude de rêver aux étoiles, s’est lié avec un rossignol, et veut l’épouser. Aussitôt le prince décide que c’est lui qui se doit d’épouser le rossignol ; et quand, furieux de se voir éconduit, il fait mettre à mort la petite grenouille verte, on découvre que c’est elle, et non pas lui, qui avait dans la tête le fameux diamant. Voilà le sujet du conte : mais combien je regrette de ne pouvoir pas traduire les portraits du roi, de la reine, du jeune prince, ou la description du concert des grenouilles, et les réflexions esthétiques qu’il inspire à ses auditeurs !

Enfin le reste du recueil est fait de contes qui, comme ceux que j’ai signalés d’abord, n’empruntent plus aux vieux contes allemands ni leurs fables, ni leurs personnages, mais simplement leur atmosphère générale, leur naïf répertoire d’artifices magiques, et le sentiment dont ils sont imprégnés. Tantôt c’est la fille d’un seigneur que la fée de l’Elbe a changée en mouette, et qui, sous cette forme, préserve des périls de la mer un jeune matelot, son fidèle fiancé ; tantôt c’est un nain jovial et charitable qui, errant sur les routes, porte, dans trois petits pots, de l’oubli, du rire, et des larmes, et s’en sert pour guérir toutes les misères de l’humanité ; tantôt c’est un jeune roi qui s’éprend d’une gardeuse de canards, et l’épouse, bien qu’elle ait elle-même des pieds de canard, et qui reçoit d’elle, en cadeau de noces, un miroir où il découvre que tout le personnel de sa cour, sauf safemme et lui, a des cœurs de loups, de renards, de singes, ou de perroquets.

Les contes de cette dernière catégorie sont, assurément, les plus intéressans du recueil, au point de vue littéraire ; et souvent la fantaisie poétique s’y accompagne d’un véritable talent d’expression. Mais, s’il ne s’agit que de nous divertir, je dois avouer que presque tous les contes du recueil y réussissent d’égale façon. Presque tous sont simples, gais, touchans, avec une bonne odeur de sincérité ingénue et souriante. Or la grande majorité des auteurs de ces jolis contes sont, comme je l’ai dit, des personnes tout à fait étrangères au métier d’écrire : quelques femmes du monde, peut-être quelques professeurs, mais surtout des maîtres d’école, des surveillantes de jardins d’enfans,des employés, — tout cela issu de la petite bourgeoisie alle-