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et empruntées à leur observation de chaque jour plus souvent encore qu’à leur fantaisie ; on sent aussi qu’ils ont pris, eux-mêmes, un réel plaisir à trouver et à combiner ces circonstances diverses ; et si tous leurs contes sont loin d’avoir une égale valeur littéraire, il n’y en a pas un seul qui nous donne l’impression d’une besogne, d’un travail laborieux de transcription ou de remise au point. Le jeune niais, pour guérir de sa mélancolie la fille du roi, l’oblige à partager, pendant trois jours, sa vie de paysan : il lui fait planter les pommes de terre, garder les cochons, cuire le souper, — et tout cela nous est décrit avec une vérité si amusante qu’il nous gemble écouter une histoire d’hier. La « fidèle petite sœur, » restée seule au monde avec son petit frère, s’égare avec lui dans un bois enchanté, où l’enfant, malgré ses supplications, s’obstine à manger des fruits qui ôtent la mémoire ; et bientôt le frère demande à sa sœur de l’attendre un moment, dans une elairière, pendant qu’il va voir s’il n’y a pas une route, à la sortie du bois ; mais il oublie sa promesse de revenir, et la petite sœur l’attend, nuit et jour, jusqu’à ce qu’enfin elle se change en fleur. Après quoi le conte nous fait voir le petit frère recueilli et adopté par de riches paysans ; et, de nouveau, la vie d’un village allemand nous est décrite avec une foule de détails pittoresques, décrite par un auteur qui, évidemment, la connaît, et qui l’aime, et qui est tout heureux qu’une occasion s’ofifre à lui de nous parler d’elle.

Cinq ou six autres contes ont, pour héros, des bêtes, des chats, des chiens, des grenouilles, un hanneton et une limace. C’est encore là un souvenir des anciennes traditions nationales : on sait la place considérable qu’occupent les bêtes, dans les recueils des frères Grimm. Mais, ici, les conteurs s’écartent beaucoup plus hbrement des sujets classiques. La vie animale leur est si familière que c’est le plus naturellement du monde qu’ils imaginent l’aventure d’un chat qui, menacé de mort par son maître le fermier, parce qu’il s’est déshabitué d’attraper les souris, s’engage au service d’un renard, et ne tarde pas à attraper les souris chez son premier maître ; ou bien l’aventure d’un hanneton qui, ayant hérité de la maison de sa vieille amie la limace, longtemps cherche en vain une femme qui consente à lui tenir son ménage, et finit par célébrer de magnifiques noces avec une bête à bon Dieu. Et il y a même un de ces contes qui serait, dans son genre, une façon de chef-d’œuvre, si seulement son ironie n’était pas un peu trop subtile pour un public d’enfans ou de gens du peuple. Tous les cinq cents ans, dans un certain marais, une grenouille vient au monde qui a un diamant dans la tête. Cinq cents ans se sont écoulés depuis