Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


REVUES ÉTRANGÈRES




UN NOUVEAU RECUEIL DE CONTES ALLEMANDS






Neuer Deutscher Märchenschatz, 1 vol. in-4o, illustré, Berlin, 1905.


Il y avait, une fois, un village que de très hautes montagnes séparaient du reste du monde. Le soleil même n’y brillait que pendant à peine deux heures, dans les plus beaux jours : de telle sorte qu’on avait nommé cet endroit Schattendorf, « le village à l’ombre. » Mais les habitans du village n’en vivaient pas moins profondément heureux.


Les maisons s’étendaient sur les deux bords d’un torrent, entourées de petits jardins où poussaient des prunes jaunes et bleues. Personne n’était riche, dans le village : mais personne, non plus, n’était pauvre. La maison d’école était trop petite : mais le maître d’école était un bon vieil homme, que jamais on n’avait vu prendre les verges en main. Il se contentait de tracer une marque, à la craie, dans le dos de l’enfant qui n’avait pas été sage, et de lui dire : « Aie bien soin de ne pas effacer la marque avant que ton père et ta mère l’aient vue ! » Mais, en chemin, les enfans s’effaçaient la marque, l’un à l’autre, et ainsi finissait l’affaire. Les vieilles gens se tenaient assis, aux fenêtres de leurs maisons, quand arrivait le soleil, et se disaient : « N’est-ce pas un bonheur, que nous ayons aujourd’hui tant de soleil ? » Les hommes plus jeunes travaillaient de tout leur cœur, aux champs ou à l’atelier ; et, quand le soleil arrivait, ils se reposaient un moment, et criaient à leurs voisins : « Regardez donc ce soleil ! Hein, comme il est bon, de venir jusque chez nous ! » Et, pendant ce temps, les femmes, avec un art merveilleux, rapiéçaient les culottes de leurs maris et de leurs fils : même en mettant des lunettes, vous n’auriez pas deviné la place où le drap s’était déchiré ! À l’approche du soir, une fumée bleue s’élevait de toutes les cheminées, et tout l’air était rempli d’une agréable odeur de soupe aux légumes. Après quoi, les filles s’asseyaient sur les portes, et