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dans l’orientation de ce mouvement. Lyon ne reste pas en arrière ; le Bulletin de l’Union pédagogique laisse augurer comme prochaine la participation des groupemens d’instituteurs à l’organisation, exclusivement révolutionnaire et internationaliste, qui s’intitule la Confédération générale du travail. Dans le Var, les instituteurs syndiqués sont entrés à la Bourse du travail : « l’expérience prouve, lit-on dans la Revue de l’Enseignement primaire, que le corps enseignant n’a pas à gagner à coqueter avec les partis bourgeois ; il est de son devoir et de son intérêt d’aller à son allié naturel : le prolétariat manuel. » Dans le Morbihan aussi, dans les Côtes-du-Nord, dans la Corrèze, dans la Drôme, « Jean Coste et Jean Louvrier, » pour reprendre le mot de M. Antonin Franchet, ont esquissé un mouvement de rapprochement. Or, de deux choses l’une : ou bien les Amicales d’instituteurs ne représentent pas mieux le corps enseignant que les Bourses du travail de Paris et de Lyon ne représentent le véritable monde ouvrier ; et ces groupemens, alors, ne méritent pas l’attention presque déférente dont les honorent les autorités officielles ; ou bien ces Amicales, telles quelles, sont réellement une représentation improvisée, à peu près sincère, de l’ensemble du personnel scolaire, et pourquoi dès lors les laisse-t-on se compromettre, naïvement, avec certaines Bourses du travail, où la seule réforme sérieusement envisagée paraît être, jusqu’ici, la grève des réservistes ? L’heure n’est plus où Spuller et M. Léon Bourgeois, où M. Rambaud et M. Combes en personne, marchandaient à nos instituteurs le droit de s’associer et de se fédérer ; les ministres assistent ou se font représenter aux congrès d’Amicales, et lorsque M. Carnaud proclame qu’ « il ne peut pas y avoir un seul préfet, un seul inspecteur d’académie, un seul inspecteur primaire qui ait le droit de se dresser contre l’Amicale, » cette remarque échappe à tout démenti.

Mais il n’est pas exagéré de souhaiter que l’activité des Amicales se concentre et se cantonne sur le terrain exclusif des intérêts professionnels. Lorsque l’heure sera venue, — et peut-être est-elle prochaine, — où les instituteurs primaires chercheront dans les partis révolutionnaires des champions pour leurs réclamations et des directeurs pour leur action, lorsqu’ils se donneront, ainsi, des chefs en dehors de leurs chefs naturels, l’État osera-t-il intervenir et retourner contre eux, à leur tour, l’argument dont, il y a vingt ans, il se servit contre les membres des