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en partie, par certain article de la loi même à laquelle le nom de Jules Ferry demeure associé.

La nomination des instituteurs était déférée aux préfets. Avec quelque largeur d’esprit et quelque hauteur d’âme, un président du Conseil pouvait sacrifier à l’avenir et à la dignité de l’œuvre de réforme scolaire l’intérêt électoral du lendemain, et, d’un geste net et désintéressé, enrayer le zèle des instituteurs, tout prêt à se gaspiller pour cet intérêt électoral. Mais les préfets à leur tour, passibles de disgrâce si les urnes étaient frondeuses, pouvaient-ils montrer la même générosité, le même parti pris d’abdication ? Préposés à la fois aux luttes « républicaines » et à la nomination du personnel scolaire, pouvaient-ils faire mauvais visage aux instituteurs qui s’offraient comme auxiliaires dans ces luttes ? Quel risque couraient-ils même, si parfois ils prenaient l’initiative de recruter et de pousser en avant ces utiles agens ? Ils n’avaient guère à craindre, au lendemain de la victoire, la moue désapprobatrice d’un ministère triomphant. C’est ainsi qu’en dépit de la parole de Jules Ferry, qui avait exclu les instituteurs de la bagarre électorale, l’engrenage des circonstances les mêla souvent à cette bagarre et fit d’eux, à certaines heures, et dans certaines communes, des chefs militans de l’action républicaine.

La façon même dont ils étaient nommés les mettait à la merci des influences politiques et les invitait, dès lors, à multiplier les manœuvres pour capter ces influences. Promus par le recteur, les maîtres de l’enseignement primaire se seraient attachés, surtout, à développer leur compétence professionnelle ; ils auraient formé une sorte de corporation bien homogène, soigneusement barricadée contre toutes les préoccupations étrangères au « métier ; » tout au contraire, désignés par le préfet, ils sentirent, bien vite, que les recommandations politiques seraient opportunes, et que c’est par des services politiques qu’elles s’achèteraient. On vit les inspecteurs d’académie, par de pressans avertissemens, dissuader leurs subordonnés d’invoquer ces recommandations, et parfois même les informer, d’une plume passablement naïve, que les démarches des conseillers généraux, députés et sénateurs se heurteraient à l’esprit d’équité de l’autorité universitaire. Mais cette autorité elle-même n’était-elle pas une satellite de la préfecture ? et vis-à-vis des conseillers généraux, députés et sénateurs, qui donc se peut flatter