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constante à la loi, il est bon que la loi, avec une sorte de respect humain, se taise et s’efface. Quant aux grands centres, il en est certains, comme Boulogne, comme Saint-Quentin, où ces commissions paraissent rendre d’éminens services ; on cite ces exemples avec honneur, plutôt qu’avec confiance.

Car, en général, ce n’est pas seulement par la négligence qu’elles mettent à vivre, que les commissions scolaires ont découragé toute espérance ; c’est, plus encore, lorsque d’aventure elles vivent, par le mauvais vouloir que trop souvent elles témoignent à l’endroit même de la loi dont elles sont les gardiennes. « Elles sont intervenues fort rarement pour seconder le vœu du législateur, et presque toujours pour le contrarier, » écrivait en 1889 M. Dreyfus-Brisac. La doléance se retrouve, en 1904, sous la plume de M. l’inspecteur général Cazes : « La plupart du temps, nous dit-il, les commissions scolaires, qui devaient servir de levier à l’obligation, en ont été l’achoppement. » En 1905, enfin, M. Forfer, inspecteur d’académie de l’Aisne, écrivait, sans illusions comme sans ambages, que les commissions scolaires n’ont rien produit, et qu’elles ne produisent rien. De çà, de là, les projets de réforme surgissent ; d’aucuns espèrent, avec M. Beurdeley, que ces organismes auraient plus d’efficacité et plus de liberté, s’ils fonctionnaient pour tout un canton ; d’autres demandent, avec M. Cazes et M. de Monzie, que l’action publique contre les pères et mères réfractaires soit transférée au juge de paix ou au Parquet. L’heure est proche, peut-être, où les commissions scolaires seront déchues de leur droit de magistrature paternelle, faute d’avoir su l’exercer, ou faute de l’avoir voulu, et où le principe de l’obligation scolaire, au lieu d’en appeler à l’action persuasive des mœurs, invoquera, pour prévaloir, les agens mêmes de la loi.

Si les institutions sur lesquelles comptait Jules Ferry pour attirer l’enfant à l’école ont souvent négligé leur tâche, si même souvent elles furent mort-nées, s’étonnera-t-on dès lors que, dans le dernier quart de siècle, l’assiduité scolaire n’ait répondu que de façon très médiocre à l’attente du législateur ? De prime abord certains chiffres paraissent très satisfaisans. Que dans une vingtaine de départemens la proportion des conscrits qui ne savent pas lire dépasse cinquante pour mille ; que, dans six départemens, plus d’un dixième de la classe n’ait jamais passé par l’école ; et qu’il reste enfin un arrondissement, celui de Rochechouart, où,