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par le don de livres, papier, etc. : » c’était le but de la caisse des écoles. La libéralité des citoyens était conviée à la remplir ; les conseils municipaux, à leur tour, étaient appelés à la subventionner ; enfin, dans les villages trop pauvres, dans les « communes subventionnées dont le centime n’excéderait pas trente francs, » l’Etat interviendrait, avec ses propres crédits, pour grossir de quelques écus la tirelire collective destinée aux petits écoliers. Dans cet afflux de charité, dans cette généreuse rencontre entre le billon versé par de simples particuliers et les pièces blanches ou jaunes qu’offrait le pouvoir central, il y avait quelque chose de touchant : l’Etat priait les citoyens de collaborer avec lui pour empêcher la misère de paralyser l’application de la loi ; les pupilles de l’enseignement libre, comme ceux de l’enseignement laïque, pouvaient, si les municipalités le souhaitaient, bénéficier des subventions de la caisse des écoles ; remplie de bon cœur, c’est de bon cœur qu’elle s’ouvrait.

A côté de l’institution de bienfaisance, devait fonctionner l’institution de surveillance, chargée de dresser la liste des enfans qui avaient l’âge scolaire, de contrôler leur assiduité, d’atteindre par des pénalités la négligence trop incurable de certains parens. Ce soin revenait à la commission scolaire, composée du maire, de l’inspecteur primaire, d’un ou de plusieurs délégués de l’autorité académique, et de quelques pères de famille désignés par le conseil municipal. Jules Ferry s’efforçait, ainsi, d’intéresser les citoyens de chaque commune à la prospérité du nouveau régime scolaire.

C’était le pouvoir central qui installait l’école ; c’était le préfet qui en désignait le maître ; Jules Ferry sentait le besoin, pour que l’œuvre fût viable, de lui donner, aussi, des attaches indigènes, des racines locales, de multiplier les liens personnels entre la maison d’école et les gens du village ; à l’ombre de chaque clocher, il organisait ainsi, en faveur de la loi, la complicité des mœurs.

Voilà vingt-trois ans que l’expérience dure : les mœurs, en beaucoup d’endroits, se sont refusées à aider la loi.

« Il y a encore près de la moitié des communes de France, écrivait en 1889 le ministre de l’Instruction publique, qui ne possèdent même pas de caisse des écoles ; » et précisément, cette année-là, on vit l’Etat se délier de la promesse qu’il avait faite aux communes pauvres, de prêter un concours financier pour