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LE
PÉRIL PRIMAIRE

On définirait assez exactement la portée politique de nos lois scolaires en constatant qu’elles visèrent à exproprier l’Église de son rôle traditionnel dans l’enseignement public, et qu’elles inaugurèrent ainsi, sur le terrain pédagogique, l’œuvre de séparation entre l’Église et l’État. Mais ce serait calomnier les législateurs de 1882 et 1886, que de leur attribuer, exclusivement, cette intention toute philosophique : il y avait, dans leurs ambitions fraîchement victorieuses, je ne sais quoi de positif et même de généreux, que des arrêtés de fermeture, des mesures de suppression, des procédés d’ostracisme, ne pouvaient suffire à satisfaire ; l’anti-cléricalisme, à cette date, ne se résumait point encore en un simple parti pris de destruction ; au delà de cette politique toute négative, la République rêvait de faire œuvre constructrice. Elle avait la ferme volonté de promouvoir et d’améliorer l’instruction populaire ; et lorsque les nouveaux maîtres de la France privaient l’État de cette collaboratrice séculaire qu’était l’Église, ils tenaient d’autant plus à honneur de créer de toutes pièces un enseignement primaire dont la nation pût tirer gloire et profit. La coquetterie même qu’ils mettaient à faire prévaloir, comme ils disaient en leur langage, « les droits de l’idée laïque, » excitait leur labeur et tenait leurs énergies en haleine ; ayant définitivement réduit l’Église à n’être que leur concurrente, ils se piquaient de vouloir faire mieux qu’elle, et de le pouvoir. Il y avait eu, jusque-là, d’un bout à l’autre du pays, un certain nombre de citoyens rebelles à toute culture : il fallait désormais que, sur le