Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’en trouve notamment dans le dernier volume de la traduction Mardrus, qui sont moins des contes que des anecdotes embellies ou grossies[1]. Ainsi le récit de la mort de Hadi, donné dans ce volume, est juste au fond. Il est exact que Hadi cherchait à dépouiller son frère Réchid du titre d’héritier présomptif, et que Khaïzouran leur mère préférait Réchid depuis une querelle survenue entre elle et Hadi ; néanmoins le récit est forcé ; Hadi n’alla pas jusqu’à ordonner le meurtre de Réchid, ni Khaïzouran jusqu’à emprisonner Hadi. Un trait merveilleux est ici dans l’histoire, qui n’est pas reproduit dans le conte : un horoscope avait annoncé que la vie de Hadi serait de courte durée, et Réchid, dans sa politique, tint compte de cette prédiction. Quelques jolies histoires de jeunes filles, de jeunes chanteuses, sont réunies dans le même volume ou dispersées dans le reste du recueil, telles que celle de Sallamah la bleue, dont un joaillier achète le baiser pour deux perles, ou celle de la jeune Arabe du désert à qui le khalife en excursion demande à boire et qui fait des réponses si spirituelles que le souverain la choisit pour épouse : la plupart de ces histoires se retrouvent dans les grands recueils anecdotiques arabes, tels que le Mostatraf et le Livre des Chansons.

D’autres khalifes paraissent dans les Mille et une Nuits à côté de Réchid, mais avec moins d’éclat, et leur caractère historique est également assez respecté. Le célèbre Mamoun, le protecteur des savans et des philosophes, le Marc-Aurèle de l’histoire arabe, y figure par plusieurs traits, parmi lesquels l’acte de clémence qu’il accomplit en faveur de son oncle Ibrahim, fils de Mehdi, après que celui-ci lui eut sans succès disputé le khalifat ; ce beau trait est historique. Un autre grand khalife, l’un des premiers de l’Islam, l’austère et glorieux Omar, est représenté par une légende où nous reconnaissons son caractère réel : il nous est montré dormant en plein midi sur les marches de la mosquée, la tête appuyée sur la pierre et couvert d’habits rapiécés, tandis qu’un ambassadeur richement vêtu le demande.

Quelques contes enfin, non les moins développés du recueil, constituent de véritables romans de chevalerie. Il nous est difficile d’en parler ici ; citons seulement Agib et Garib, longue histoire

  1. Plusieurs des anecdotes contenues dans ce volume ne se trouvent dans aucune édition des Nuits (Chauvin, les Mille et une Nuits de M. Mardrus, Bruxelles, 1905).