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des meilleurs traits de cette histoire, Dalilah persuadant à un Bédouin de la détacher d’un gibet où on l’avait exposée comme voleuse et d’y prendre sa place, se retrouve dans beaucoup de contes tant africains qu’occidentaux, notamment dans des contes nubiens. Les grandes ruines de l’Egypte ancienne ont fait impression sur l’imagination populaire et donné naissance chez les habitans de l’Egypte, Arabes ou Coptes, à des légendes variées : de là sont nées la fable de l’empire d’Ad et de Scheddad, celle de la ville fantastique d’Irem aux mille colonnes, et ces visions sombres d’anciens rois ensevelis et conservés au fond de palais gigantesques, de jeunes filles semblant endormies, mais mortes, dans des salles mystérieuses où, entre les mains de statues de cuivre, brûlent des parfums, ainsi qu’on en rencontre, par exemple, dans le conte de Djaudar.

Le célèbre khalife arabe Haroun al-Rachid est dans les Mille et une Nuits le centre d’un vaste cycle de récits, à demi légendaires, à demi historiques. Il ne s’agit pas ici d’un cycle comme celui de Charlemagne dans nos chansons de geste ; nous sommes moins loin de l’histoire, et nous avons affaire non à des romans développés, mais à une compilation de récits qui vont du conte à l’anecdote. Le Réchid de ce cycle n’est pas fort différent de celui de l’histoire ; ce dernier est bien le souverain brillant, spirituel, généreux, ordinairement loyal, que nous montrent les contes : « Il était, dit un historien, admirablement fait, grand, élégant, blanc de teint et d’un juste embonpoint ; il avait un naturel charmant, de la générosité, du courage ; » sa munificence à l’égard des artistes, poètes et chanteurs, est proverbiale ; elle s’étendait jusqu’aux personnes habiles dans les divers jeux : il établit les jeux de mail, de tir à l’arc, de paume et de raquette, et il donna des récompenses à ceux qui s’y distinguaient ; il eut du goût pour les échecs et le jeu de nerd et il accorda des pensions aux joueurs qui y excellaient. Son règne fut si brillant qu’on l’appela « les jours de noces. » Les contes ajoutent à ces traits le goût des promenades nocturnes, promenades que le khalife est censé accomplir non seulement pour son plaisir, mais pour faire acte de police ; sans doute, ces promenades sont surtout un procédé du narrateur ; mais il est employé avec assez d’art pour ne pas déplaire.

Beaucoup de passages des Mille et une Nuits appartenant au cycle de Haroun-al-Rachid, serrent l’histoire d’assez près. Il