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Salomon possédait aussi une coupe magique en verre et en turquoise fabriquée par un génie, dans laquelle on découvrait ce qui se passait dans le monde, et un anneau muni d’un sceau sur lequel étaient gravés deux triangles croisés en forme d’étoile, encadrant le plus grand nom de Dieu ; c’est de ce sceau qu’était scellé le vase qui renfermait le Génie dans le conte du Pêcheur, Le conte d’Abou Nioute et d’Abou Nioutine est aussi en germe dans le Talmud ; et celui de Balouqiyâ a une origine juive moderne.

On reconnaît aisément l’origine grecque de divers épisodes. Le cheval volant des Mille et une Nuits a été comparé à Pégase. La notion d’un cheval volant du nom de Pacolet est arrivée jusqu’à Rabelais, qui mentionne cet animal dans Pantagruel (L. II, ch. 24) : « Et ne crains n’y traict n’y flesche, n’y cheval tant soit légier, et feust-ce Pégase de Perseus ou Pacolet[1]. « Mme de Sévigné, en 1690, se louant d’un courrier, se demande si l’on peut « souhaiter un plus joli pacolet. » Le capuchon des contes arabes, qui a la propriété de rendre invisible celui qui le revêt, est rapproché de l’anneau de Gygès ; et avec plus de sécurité encore, on reconnaît, dans le monstre noir qui se nourrit des voyageurs échoués sur son rivage, le Cyclope Polyphème ; ce monstre paraît dans le troisième voyage de Sindbad et dans le conte de Saïf-el-Molouk ; dans ce dernier récit, il est appelé Goul-éli-fénioun, arrangement évident du nom de Polyphème. Dans le quatrième voyage de Sindbad, les compagnons du navigateur deviennent fous pour avoir mangé d’une certaine herbe ; on interprète cet incident comme une réminiscence des enchantemens de Circé. Toutes ces légendes anciennes sont arrivées dans la littérature arabe par des voies détournées et sans doute en partie orales ; il ne paraît pas qu’Homère ait été traduit en arabe, et Hérodote ne l’a certainement pas été ; mais la Syrie, la Perse et surtout l’Egypte offraient maintes voies par où les traditions grecques pouvaient venir jusqu’aux Arabes. Ceux-ci d’ailleurs ont connu des échos de la littérature alexandrine ; ils ont adapté des contes alexandrins, par exemple celui que j’ai analysé en traitant d’Avicenne.

Sont d’origine égyptienne, ancienne ou moderne, un certain nombre de contes, souvent très fantastiques. L’amusante histoire d’Ahmed ed-Danaf et de Dalilah la rusée, est égyptienne ; un

  1. Le nom, d’ailleurs, fut appliqué, tantôt au cheval, tantôt au cavalier.