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qu’elle est parfois plus décevante, a obtenu dans cette recherche des résultats assez précis. On distingue clairement dans les Mille et une Nuits des légendes issues de la Bible, d’autres qui proviennent du Talmud ou qui sont d’origine juive moderne ; quelques contes se rattachant aux traditions grecques, d’autres encore, à celles de l’Egypte ancienne ou moderne ; tout un cycle plus spécialement arabe, dont le célèbre khalife Haroun al-Rachid est le héros ; enfin de véritables romans de chevalerie, et un roman d’aventures maritimes, Sindbad le marin. Voici des exemples de contes issus de ces diverses sources.

A la Bible et à l’hagiographie chrétiennes sont empruntés des récits qui rappellent l’épisode de Suzanne et du prophète Daniel, les actes du martyr saint Eustache, des traits de la vie des Pères du Désert, telle que cette pratique mortifiante imposée à un homme orgueilleux de planter un bâton sec dans le sable et d’aller l’arroser tous les jours. Un conte que ne goûtent pas les lecteurs occidentaux, mais qui jouit d’une grande popularité en Orient, où il a été édité séparément et à diverses reprises, celui de Tawaddoud ou la docte esclave, rappelle la légende de sainte Catherine d’Alexandrie ; Tawaddoud répond sur toutes choses, en présence du khalife, aux docteurs qui l’interrogent, sur les sciences, la théologie, la littérature, le jeu d’échecs, la musique, ainsi que fit sainte Catherine ; cette dernière peut avoir d’ailleurs son prototype dans Hypathie d’Alexandrie. Un épisode de la légende de saint Brandan se retrouve dans le premier voyage de Sindbad le marin, descendu avec ses compagnons, pour boire, manger et se reposer, sur le dos d’une baleine qu’ils prenaient pour une île. Les compagnons de saint Brandan avaient commis la même erreur, mais ils avaient commencé par dresser, sur le dos de la baleine, un autel.

Du Talmud sont tirées les légendes relatives aux prophètes, telles que celle de Salomon : cette sorte de légendes fut très développée chez les Musulmans. Salomon est le plus grand de ces prophètes mythiques ; par une espèce de phénomène de réflexion qui se produit souvent dans l’imagination des Orientaux, il est même multiplié : il y aurait eu une série de Salomons préadamites au nombre de quarante ou de soixante-douze, selon les auteurs, qui se seraient transmis un bouclier, une épée, une cuirasse magiques. Ces Salomons auraient régné sur les dives et guerroyé contre les démons, avant la naissance de l’homme.