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quelques contes supplémentaires traduits librement en langue allemande.

Si considérable que soit le recueil des Mille et une Nuits, il est loin d’épuiser la littérature d’imagination chez les Arabes, à plus forte raison celle qui appartient ensemble au groupe des trois grandes nations musulmanes : Arabes, Turcs et Persans. Beaucoup de contes demeurent dispersés en dehors de ce recueil ; d’autres sont eux-mêmes réunis dans des collections étendues dont les plus célèbres sont celles que l’on appelle le Syntipas et les Mille et un Jours. Pétis de La Croix a fait connaître, en 1710, les Mille et un Jours, recueil principalement persan, peu lu, mais que différens juges ont préféré aux Mille et une Nuits ; la traduction de Pétis de La Croix a été revue pour le style par le romancier Lesage. Le Syntipas est un vaste cycle, d’origine persane, qui a été étudié par les érudits, et dont une branche détachée, le Bakhtiar-Nameh, a été mise à la portée du grand public français par M. René Basset dans un petit et agréable volume intitulé Histoire des dix Vizirs[1]. Il convient de citer encore les Contes du Cheikh el-Mohdy, et certains Contes orientaux publiés en 1743 par M. de Caylus, qui sont traduits ou imités du turc. Burton avait laissé à sa mort un grand recueil de contes arabes, dans le genre des Mille et une Nuits, que sa femme a brûlés.

La nouvelle traduction des Nuits, que le docteur Mardrus a publiée en seize volumes, de 1903 à 1904, principalement d’après l’édition égyptienne de Boulak et d’après des manuscrits qui sont entre ses mains, mérite d’être appréciée pour la richesse et l’éclat du style, qualité d’autant plus remarquable que l’auteur de cette grande œuvre est d’origine arménienne. Cette traduction a été fort critiquée par les érudits ; le public ne doit pas s’émouvoir outre mesure de ces critiques. La critique érudite a parfois de nos jours une âpreté que n’excusent pas assez les services qu’elle rend à la science. Une grande partie des reproches adressés au docteur Mardrus porte sur l’interprétation des vers qui sont intercalés dans les récits des Nuits. Ces vers, souvent jolis, ne sont cependant pas, la plupart du temps, essentiels aux contes ; Galland les avait généralement négligés ; de plus, les leçons en

  1. L’érudition est en outre redevable à M. René Basset d’un très grand nombre de notes et articles relatifs aux Nuits, publiés notamment dans la Revue des traditions populaires.