Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’arrière, pendant la bataille de Tsou-sima, à la suite de l’explosion d’un obus de quinze centimètres dans la partie non cuirassée. De plus, sur d’autres points que la bande voisine de la flottaison, la puissance défensive de nos navires pouvait prétendre à quelque supériorité. Il y a plaisir à parler des tourelles blindées, qui, au cours de l’expérience de tir contre le Suffren, ont si vigoureusement renvoyé les projectiles dans l’estomac de leurs détracteurs. Les études persévérantes, à la suite desquelles mon excellent collaborateur M. Gayde a su associer la solidité irréprochable du support à l’élasticité qu’exige la parfaite sécurité des organes et du personnel, n’ont pas, à ma connaissance, leur équivalent ailleurs. La race des bons serviteurs du pays ne s’éteint ni ne veut s’éteindre chez nous. Nous pouvions donc espérer, au cours de l’été 1898, mettre en chantier les meilleurs cuirassés du monde, et voir les premiers d’entre eux arriver en service à la fin de 1901.

Mais le dossier des nouveaux navires, muni de toutes les approbations, visas et sacremens réglementaires, qui n’avaient pas rempli moins de onze mois, ne put être présenté à la signature du ministre que le S août 1899. Une variante concernant le calibre de l’artillerie moyenne fut indiquée simplement et non discutée. La nécessité, pour un nouveau ministre, de s’éclairer et d’éclairer le parlement, jointe au désir de fondre la réforme des cuirassés dans un programme général de la flotte, fit ajourner jusqu’au 28 janvier 1901 la commande du premier bâtiment, qui est la Patrie. A la suite, s’échelonnèrent les commandes successives de la République, de la Démocratie, de la Justice, de la Liberté et de la Vérité. C’est alors que se produisit l’intervention imprévue du cabinet du ministre arrêtant des marchés urgens. Pour les tourelles des pièces de trois cent cinq millimètres, dont l’exécution demande presque autant de mois que la construction du navire lui-même, un marché, souscrit le 16 mai 1902, fut notifié à l’adjudicataire le 4 août 1903, peu de jours avant l’expérience de tir du Suffren. Les premiers de nos six cuirassés arriveront ainsi à l’année |1 906 pour commencer leurs essais. L’Allemagne a terminé en 1905 quatre au moins, sinon six, de ses dix nouveaux cuirassés. Quant à l’Angleterre, lorsque nos six bâtimens de combat seront tous entrés en service, elle aura armé, ou peu s’en faudra, les quarante-cinq dont nous avons parlé. Notre lenteur à aboutir n’a trouvé jusqu’ici d’adeptes dans aucun pays.