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à celui du Henri IV. Un instant, on put croire résolu le problème du modèle de cuirassé à adopter pour la nouvelle flotte. Quelques semaines plus tard, l’étude commencée en avril fut arrêtée net. Puis le service des constructions navales fut divisé de manière à perdre toute autorité et tout moyen d’action. La bizarre organisation, œuvre d’ineptie orgueilleuse à l’origine, qui devait avoir la même durée que ses causes, a été attribuée au soupçon, qui pesait sur moi, de manquer de la souplesse d’opinions qu’impose en dogme l’évangile des temps nouveaux, et qu’excuserait, hélas ! l’exemple de quelques braves gens, fils de gens d’honneur. Je ne m’en défendrai pas. Cependant, des indices immédiats et surtout la suite des événemens m’ont montré qu’il s’était agi de satisfaire aux convenances du ministre, en lui épargnant la peine d’écarter l’intervention du service technique dans le choix des modèles de chaudières. Mais je n’ai ici à mentionner les mesures prises à la fin de 1896 qu’au point de vue de leur influence sur l’évolution de la puissance défensive de nos navires.

D’abord la construction des bâtimens commencés fut subordonnée à l’achèvement de quelques rafistolages, et conduite ainsi avec une extrême lenteur, ce qui eut des conséquences désastreuses, surtout pour le Henri IV, que la faiblesse de son déplacement avait fait finalement accepter. En effet, si le Henri IV, commencé en 1896, avait été essayé en 1900 ou même 1901, on aurait pu choisir, en connaissance de cause, entre les deux modèles, cuirassé-croiseur et cuirassé-monitor, dont nous ferons plus loin le parallèle.

Pour les cuirassés, la réforme urgente du système de protection fut ajournée à plusieurs années. Dans l’intervalle, deux nouvelles unités ajoutèrent une soixantaine de millions au demi-milliard déjà sorti des escarcelles françaises pour la construction d’une flotte de combat défectueuse.

En même temps que les cuirassés étaient frappés dans leurs qualités militaires, les croiseurs le furent dans celles de navires de course. Le caisson protecteur de la Jeanne d’Arc était assez bien accepté, pour que les réclamations d’un ingénieur et de quelques officiers en faveur du retour au cuirassement du Bayard ne fussent pas entendues ; mais la nouvelle Jeanne d’Arc, qui figurait au budget sous le nom de C3, et dont les plans avaient été refaits à loisir, fut abandonnée. La lutte pour la supériorité