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pas moins de quarante-cinq bâtimens du nouveau modèle, achevés ou en chantier, dont plusieurs en service depuis l’année 1896.

Telle fut la confiance, au point de vue de la sécurité des fonds, inspirée en Angleterre par la nouvelle disposition inaugurée sur le Majestic, que l’on ne craignit pas de réduire, d’environ moitié, l’épaisseur des plaques de ceinture. On descendit même à quinze centimètres, soit le quart de l’épaisseur des plaques de l’ancien Inflexible, sur l’une des classes qui succédèrent au Majestic, celle du Canopus. On s’arrêta généralement à vingt-trois centimètres. Cette diminution du cuirassement coïncide, il est vrai, avec l’adoption du harvéyage, une de ces révolutions soudaines dans la résistance du métal, par lesquelles la cuirasse a répondu, de temps à autre, au progrès lent et continu du canon. Les plaques de quinze centimètres harvéyées à double trempe ne sont pas loin de valoir les anciennes plaques en fer doux de soixante et un centimètres.

On sait que la réforme inaugurée en Angleterre en 1893, dans le système de protection, fut appliquée aux quatre derniers des six grands cuirassés que le Japon a commandés aux chantiers anglais en prévision du conflit avec la Russie, et auxquels il doit sa fortune.

En France, le dispositif protecteur nouveau n’ayant été adopté sur les cuirassés de combat qu’après les croiseurs, son histoire s’enchevêtre pour ces deux classes de navires, de telle sorte que notre récit doit présenter ici une certaine incohérence pour être le tableau fidèle des faits.

En 1882, furent commencés à Rochefort les plans d’un croiseur de vingt-deux nœuds de vitesse, dérivés exactement de ceux qui venaient d’être terminés à Toulon pour un cuirassé. La cuirasse, disposée de la même manière, couvrait la tranche cellulaire complète, toute la coque à l’avant, jusqu’au gaillard, les tourelles principales et partiellement la moyenne artillerie ; son épaisseur, au milieu de la ceinture, était de douze centimètres. Les expériences de tir exécutées à Toulon contre une vieille frégate, du type Gloire, la Gauloise, je crois, avaient montré que l’obus à la mélinite, du calibre de quatorze centimètres, auquel s’arrêtait l’artillerie à tir rapide, était sans aucun effet contre les plaques en fer doux de dix centimètres d’épaisseur ; il était permis d’en conclure qu’une cuirasse en acier de douze centimètres assurerait pour quelque temps la supériorité militaire contre