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en insistant sur les motifs qui le justifient, et à décrire deux formes différentes, et toutes deux rationnelles, sous lesquelles elle peut être appliquée.


IV

Bien des choses changent en France, en quatre ans. Cependant, quand je rentrai du Japon en 1890, la marine cuirassée était restée stationnaire, et elle me sembla momifiée dans ses vieilles bandelettes. J’avais, à Brest, travaillé à l’Amiral-Baudin et commencé la construction du Neptune ; je trouvais à Toulon le Magenta, leur frère, encore inachevé, le Marceau en essais, le Hoche arrivant de Lorient après une traversée très dure et bien supportée. Tous ces bâtimens appartenaient à un modèle qui m’était connu, et auquel j’avais opposé, en 1878, le projet d’un très inconfortable monitor, seule solution permise par l’exiguïté du déplacement et l’ensemble des conditions imposées. Les successeurs que l’on se préparait à leur donner étaient, comme eux, affligés, par le programme, d’une insuffisance de déplacement d’environ 2 000 tonnes, et ils ne pouvaient que perpétuer, à tous égards, leurs vices fondamentaux.

Sur les croiseurs, il se rencontrait quelques innovations, spécialement dans la manière de comprendre la stabilité et les moyens propres à la protéger. Nous en avons vu les mérites, surtout en ce qui concerne les croiseurs-torpilleurs.

En somme, l’étude de la puissance défensive était à reprendre par la base, pour toutes les classes de navires, en se préoccupant enfin de ce que devient la stabilité, quand la coque est trouée. Le plus urgent, en raison des mises en chantier prochaines, était d’améliorer la situation des cuirassés.

Ce qui a été dit à l’occasion du Tonnerre a pu faire pressentir assez bien quels étaient, en 1890, les deux défauts communs à tous nos cuirassés. Ces défauts peuvent être exposés avec autant de clarté que de précision, si l’on veut bien accepter tout d’abord le monitor comme terme de comparaison.

Comme les monitors, mais sans les motifs qui imposent cette disposition aux monitors, nos cuirassés avaient leur pont blindé au cap supérieur de la ceinture cuirassée. Tout projectile perforant la cuirasse devait donc pénétrer dans les parties vitales des navires ; le coup était mortel.