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de la rue Royale, où l’on connaissait maintenant le poids du cloisonnement, sans erreur de virgule, la tranche cellulaire commençait à être envisagée sans horreur. Enfin un heureux changement se produisit, au moment propice, dans le personnel dirigeant des constructions navales ; la maladie terrassa le successeur de Dupuy de Lomé, ingénieur d’un grand mérite pour la construction des machines, mais sans initiative dans la conception des navires de guerre ; et l’autorité passa ainsi temporairement aux mains de M. Lebelin de Dionne, qui, de son trop court passage aux affaires, a laissé un souvenir de droiture, d’intelligence et de volonté. M. Lebelin de Dionne était l’auteur du Duquesne ; il connaissait à fond la question des croiseurs ; il suivait d’un œil attentif les progrès de l’étranger. C’est au milieu de ces circonstances favorables que je me trouvai, quand, m’étant remis à l’œuvre, je présentai deux projets de bâtimens, analogues, comme système de protection et comme grandeur, à la corvette de 1873. Les deux dispositions de l’artillerie différaient entre elles et différaient de celle de 1873. Il y avait, sur l’un et l’autre projet, tout un ensemble de tubes sous-marins pour torpilles, qui servait de prétexte et comme d’enseigne à mon nouvel envoi, et qui eut l’heureuse chance de nôtre jamais exécuté.

Le Conseil des travaux donna un avis défavorable, simple marque de déférence pour les votes de 1873 et de 1878, et pour la récente décision ministérielle qui prescrivait la construction du Capitaine-Lucas. Mieux éclairé sur la valeur des frégates en bois, le même Conseil, composé des mêmes membres, délibérant dans les mêmes conditions, ne devait plus désormais accepter, comme croiseurs, que des bâtimens en fer à pont blindé sous-marin et tranche cellulaire plus ou moins complète. De tels reviremens se comprennent sans peine, si l’on songe à tous les aléas et aux incertitudes du vote de vingt membres, appelés par fonction à trancher des questions sur lesquelles, dans tout l’ensemble des marines du monde, il ne se trouverait pas quatre donneurs d’avis compétens ; ils appellent et ils justifient l’intervention directe d’un ministre bien conseillé et sachant peser les voix au lieu de les compter. Dans le cas actuel, l’approbation ministérielle était acquise d’avance à l’un des deux projets, sur la présentation de M. Lebelin de Dionne. Le Conseil des travaux reçut une satisfaction partielle, par une demande de remaniemens répondant aux critiques de détail qu’il avait formulées ;