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garanties bien faibles, dont nous saurons prochainement quelle est la vraie valeur. A partir de ce jour, de quoi le gouvernement allemand a-t-il eu à se plaindre ? Il ne nous le dit pas, mais il se plaint comme avant. Il récrimine avec aigreur sur le passé, comme si rien n’était survenu depuis ; il n’a pas encore pardonné à M. Rouvier les torts, vrais ou non, de M. Delcassé. Nous ne sommes pas les seuls à nous en étonner. Tout le monde le fait en Europe, et en Allemagne même, l’assentiment donné à cette politique n’est pas unanime. Si le gouvernement impérial voulait seulement redresser les rapports des deux pays, il a eu plusieurs occasions de le faire ; mais, à son tour, il n’en a pas profité. Il lui aurait été, par exemple, très facile de nous convaincre, et de convaincre avec nous l’univers entier, qu’il n’en voulait qu’à une politique et à l’homme qui l’avait suivie. Que n’a-t-il modifié son altitude envers nous en même temps que nous modifiions nous-mêmes la nôtre envers lui ? L’a-t-il fait ? Le discours de M. de Bülow, succédant à celui de l’Empereur, ne nous permet pas de répondre affirmativement. Si ce discours est strictement correct, il est sec, tendu et dur ; il n’est pas celui sur lequel nous avions le droit de compter ; il nous oblige à nous demander si vraiment c’était bien à M. Delcassé qu’en voulait le gouvernement allemand. Ce discours est une singulière préface à la Conférence d’Algésiras ! Après l’avoir entendu, tout le monde reste sur le qui-vive, tandis que nous aurions voulu, les anciennes difficultés une fois dissipées, aborder avec confiance les uns dans les autres celles qui peuvent subsister encore.

M. de Bülow a produit devant le Reichstag, au sujet de la manière dont M. Saint-René Taillandier a rempli la première partie de sa mission, des allégations que nous ne croyons pas exactes. Il a été mal renseigné, soit par ses agens au Maroc, soit par le Maghzen lui-même. Le Maghzen avait intérêt à lui fournir un prétexte, sachant d’ailleurs qu’il le cherchait, pour, opérer dans la question marocaine une entrée sensationnelle, et voilà pourquoi il a attribué à M. Saint-René Taillandier des propos que celui-ci n’a pas tenus. Quoi qu’il en soit, le gouvernement allemand a trop parlé pour que le nôtre puisse continuel de se taire. L’opinion publique est justement préoccupée : elle l’est sans trop savoir de quoi et uniquement peut-être parce qu’elle ne le sait pas. M. Rouvier a compris la nécessité de s’expliquer. Il a annoncé à la Chambre qu’il allait déposer sur son bureau un Livre Jaune relatif aux affaires du Maroc : on l’attend avec impatience, on le lira avec empressement. Mais une lecture de documens rétrospectifs ne suffit pas pour nous éclairer sur le présent, et encore moins sur