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gouvernement et la majorité ont assumé la leur : à son tour, l’opposition a revendiqué la sienne, en expliquant pourquoi elle repoussait une loi qui allait avoir la triple conséquence de troubler les consciences, d’affaiblir l’État et de déchaîner, un peu plus tôt ou un peu plus tard, la guerre religieuse.

Nous souhaitons ardemment que cette dernière conséquence ne se produise pas : mais comment l’espérer ? Pendant que M. le ministre des Cultes et les orateurs de la commission exposaient, expliquaient, commentaient à la tribune les dispositions de la loi qu’ils qualifiaient de libérales ; pendant qu’ils faisaient profession de respecter des croyances qu’ils ne partageaient pas ; pendant qu’ils repoussaient avec indignation les reproches de sectarisme et d’intolérance qui leur étaient adressés, leurs amis répétaient, dans des conversations moins retentissantes que la loi n’était qu’une loi d’attente et qu’il y aurait lieu, très prochainement, de la soumettre à des remaniemens profonds. Tout le monde convenait qu’elle était pleine de défauts ; mais lorsqu’on parlait de les corriger, ce qui était, semble-t-il, le devoir le plus élémentaire de ceux qui les apercevaient si bien, la majorité s’y refusait. — Non, pas aujourd’hui, disait-elle : nous le ferons plus tard. C’était se réserver du pain sur la planche. C’était aussi, et surtout, conserver le moyen de reprendre, de continuer entre l’Église et l’État le duel auquel on prétendait officiellement mettre fin.

L’aveu en a été fait sans artifice par M. Combes en personne. Il est monté lui aussi à la tribune pour y faire, avant le vote final, une déclaration au nom de son groupe, déclaration écrite dont tous les mots avaient été pesés, calculés, réfléchis, et n’en méritaient que plus d’attention. Ce que les orateurs du gouvernement et de la commission avaient tenu dans l’ombre, M. Combes l’a mis en pleine lumière. « Nous voterons la loi, a-t-il dit, parce que nous tenons particulièrement à la rendre exécutoire à partir du 1er janvier 1906, afin que le corps électoral, qu’on a cherché et qu’on cherchera certainement encore à tromper sur les sentimens réels de la majorité républicaine des deux Chambres, ait le temps de bien se rendre compte, avant les élections législatives d’avril, du véritable caractère de la loi et des effets naturels de ses dispositions. Mais nous n’entendons nullement nous enlever par ce vote le droit de remédier plus tard à des défectuosités qui n’ont échappé à aucun de nous. Notre conduite à cet égard s’inspirera surtout des résultats de l’expérience qui va commencer dès le début de l’année prochaine. » Il y a, dans cette déclaration, deux parties distinctes : la première est un mensonge, la seconde