Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/930

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyages que firent Victor Hugo en Espagne, et Lamartine en Italie. Certes, Victor Hugo était bien jeune, c’était un enfant, quand il partit, au printemps de 1811, avec sa mère et ses frères, pour rejoindre à Madrid le général Hugo ; mais ce sont aussi bien ces premières images reçues par le cerveau de l’enfant qui s’y emmagasinent à jamais et sur lesquelles l’homme ne cessera plus tard de travailler. Ni Chateaubriand, ni George Sand n’auraient été les admirables paysagistes qu’ils sont, si leurs yeux d’enfans ne s’étaient promenés sur les paysages de la Bretagne ou du Berry. On peut admettre sans trop de peine que, si Victor Hugo n’avait eu qu’une enfance parisienne, il n’aurait pas été, par la suite, avec la même abondance et la même plénitude, le grand créateur d’images qu’il est devenu. Au surplus il n’y a lieu de contester sur ce point ni le complaisant récit du Victor Hugo raconté, ni l’aveu que contiennent les vers fameux :


L’Espagne me montrait ses couvens, ses bastilles,
Burgos sa cathédrale aux gothiques aiguilles,
Irun ses toits de bois, Vittoria ses tours,
Et toi, Valladolid, tes palais de famille
Fiers de laisser rouiller des chaînes dans leurs cours.


L’Espagne, pays de soleil, avait ravi l’enfant par sa couleur ; elle lui avait présenté ces contrastes de lumière et d’ombre qui s’imposeront à son imagination, pour en devenir le procédé le plus habituel et presque la loi. Il revenait


… Rapportant de ses courses lointaines…
Comme un vague faisceau de lueurs incertaines.


Ce sont ces lueurs que l’avenir se chargera de préciser et d’amplifier.

Cette même année 1811, Lamartine partait pour l’Italie. Il n’était plus un enfant, il avait vingt et un ans, il avait eu le temps de désirer assez ardemment ce voyage pour qu’en l’entreprenant il eût l’émotion d’aller au-devant d’un rêve. On connaît déjà par ses Confidences, par ses Mémoires et par sa Correspondance l’impression qu’il reçut de ce premier séjour en Italie. Mais Confidences et Mémoires sont très arrangés, la Correspondance est très incomplète. C’est ce qui fait le prix d’un document resté jusqu’à présent inconnu, et que nous avons retrouvé : le lecteur nous saura gré d’en mettre sous ses yeux d’importons fragment totalement inédits. Hier encore, dans son livre