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Maroc, l’action que la géographie et l’histoire nous y destinent. Le Maroc est entré dans la politique européenne : c’est un malheur que les fautes de quelques-uns de nos hommes d’Etat ont contribué à créer, mais dont nous devons prendre notre parti tant qu’il ne sera pas possible d’y remédier ; pour le moment, ce n’est plus d’une action uniquement marocaine, mais c’est surtout des combinaisons changeantes de la vie politique que nous devons attendre l’heure d’y réaliser nos projets.

Nous avons voulu envisager les pires hypothèses, mais tout fait espérer qu’elles ne se réaliseront pas ; nous n’en voulons pour preuve que les paroles mêmes du prince de Bülow : « Aujourd’hui comme hier, a-t-il dit dans la conversation que le Temps a publiée, pourvu que votre politique coloniale respecte nos intérêts commerciaux qui croissent chaque jour, et notre dignité que nous plaçons plus haut encore, non seulement nous ne vous gênerons pas, mais au besoin nous vous aiderons, au Maroc et ailleurs, » Nous avons confiance en la parole du chancelier : le discours qu’il vient de prononcer au Reichstag, quelque pessimiste qu’en soit le ton, ne contredit pas ces assertions si formelles. Si l’on ne savait dans quelles circonstances ce discours a été prononcé, et qu’il sert de prélude à une augmentation considérable du budget de l’Empire et de la flotte de guerre, on aurait le droit de s’inquiéter d’y retrouver, après six mois, les mêmes griefs dont le gouvernement de Berlin faisait état avant les premières négociations. Se serait-on expliqué, six mois durant, sans s’entendre ? Aurait-on signé deux accords sans se comprendre ? Le prince de Bülow insiste sur l’argument que nous aurions voulu « mettre le Maroc dans une situation analogue à celle de la Tunisie ; » or la « tunisification » consiste essentiellement dans l’établissement d’un contrôle français sur les relations extérieures du Bey et dans la perception de droits de douane favorables à notre commerce : il n’y a rien qui ressemble à cela dans le programme de réformes soumis par M. Saint-René Taillandier au Sultan. Le chancelier est obligé d’invoquer, pour justifier son dire, « quelques organes inspirés de la grande presse parisienne ; » mais des journaux n’engagent pas le gouvernement, et chacun sait qu’il n’y a pas, en France. de journaux directement « inspirés. » Nous avons au contraire répétons-le encore une fois, toujours affirmé notre intention de maintenir l’indépendance du Sultan la « porte ouverte » et la