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intérêts français. Il réglait, par une cote mal taillée, les difficultés soulevées par les opérations du comte de Tattenbach ; il les faisait rentrer, tant bien que mal, dans le cadre de la Conférence ; il déclarait, après l’accord du 8 juillet, que les intérêts spéciaux de la France dans la région frontière ne seraient pas mis en question et qu’en aucun cas on ne contesterait à la France le droit d’y faire seule la police ; il fixait enfin les grandes lignes du programme qui serait soumis à la Conférence. Mais, au moins dans le résumé qui, seul, en a été publié, il restait muet sur les solutions que les deux parties se proposent de soumettre aux délibérations des représentons de l’Europe. La Conférence va donc s’ouvrir sur une incertitude, en présence d’une opinion publique inquiète. Les déclarations du prince de Bülow à M. Georges Villiers, du Temps, sont évidemment de nature à nous expliquer l’attitude et les mobiles du gouvernement allemand et à nous rassurer sur ses intentions. Mais bien plus rassurans encore et plus décisifs seraient des actes qui, dès l’ouverture de la Conférence, montreraient que l’Allemagne, ainsi que l’Empereur et le chancelier l’ont plusieurs fois affirmé, n’a pas, pour elle-même, d’ambitions au Maroc et que, si elle s’est mise, durant quelques mois, en travers des espérances que nous croyions pouvoir fonder sur nos accords avec l’Angleterre et l’Espagne, c’est qu’elle s’était que directement visée par la politique de M. Delcassé. Malheureusement les « révélations » du Matin sont venues, postérieurement à la conversation du prince de Bülow publiée par le Temps, alimenter, en Allemagne, les polémiques antipathiques à la France et fortifier l’idée que le voyage de l’Empereur à Tanger aurait seul fait échouer un grand complot ourdi par l’Angleterre et le ministre français des Affaires étrangères. Il appartient à la Conférence de dissiper ces derniers nuages, de mettre fin définitivement à ce malentendu trop prolongé. Mais la tâche, il ne faut pas se le dissimuler, est aujourd’hui plus difficile qu’elle ne l’aurait été, par exemple, au lendemain de la retraite de M. Delcassé et de l’accord du 8 juillet. L’opinion publique française a eu le temps de réfléchir sur les événemens ; troublée et nerveuse, elle se demande si ce n’est pas en pure perte qu’elle a donné tant de preuves de sa bonne volonté conciliante et de ses intentions pacifiques, et si les incidens pénibles qui ont marqué les négociations, l’incertitude des conclusions qui en sont sorties, ne cachent pas quelque dessein