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le ministre démissionnaire le 5 juin eût systématiquement cherché à l’exclure du concert européen à propos du Maroc, et à « l’isoler » diplomatiquement ; ces projets, s’ils avaient existé, n’avaient, en tout cas, été ni connus ni approuvés par la France ; mais il suffisait que l’Allemagne eût cru à leur réalité, pour que nous nous sentissions obligés de prouver notre volonté de maintenir nos bonnes relations avec tous nos voisins. La « pénétration pacifique » nous conduisait de toutes parts à des impasses et à des menaces de guerre : c’est donc qu’il y avait maldonne, que nous nous étions trompés ou qu’on nous avait trompés ; nous n’avions plus qu’à reprendre notre jeu et à battre de nouveau les cartes. C’est dans cet esprit que le cabinet présidé par M. Rouvier accepta, sous certaines conditions, l’invitation faite par le Sultan à l’instigation de l’Allemagne, de participer à une Conférence internationale sur les affaires du Maroc.

Nous aurions pu ne pas aller à la Conférence ; nous l’aurions même dû s’il ne s’était agi que du Maroc. Nous avons accepté d’y aller parce que nous avons compris, comme l’a dit le prince de Bülow lui-même, que le Maroc n’était que « l’occasion » de la manifestation de l’Empereur à Tanger et qu’il y avait, entre l’Allemagne, et la France, un malentendu plus grave qu’il importait de dissiper. Si le Maroc avait été seul en cause, nous aurions dû refuser, au nom des intérêts généraux de l’Europe compromis par un si fâcheux précédent, de participer à une Conférence convoquée par le Sultan ; toutes les grandes puissances étaient prêtes à régler leur réponse sur la nôtre et si l’Allemagne avait été tentée de faire de notre refus une question de paix ou de guerre, elle aurait eu contre elle l’opinion universelle ; à Fez, M. de Tattenbach se serait agité dans le vide, il aurait obtenu quelques concessions, mais la question marocaine serait restée intacte. Nous avons consenti, répétons-le, à participer à la Conférence parce que le Maroc n’était que « l’occasion » de l’intervention allemande, et parce que nous espérions fermement que, le malentendu une fois dissipé, l’Allemagne s’abstiendrait d’y contrecarrer nos intérêts et nos vues ; nous n’avons d’ailleurs donné notre adhésion qu’à la condition que le programme de la Conférence serait arrêté d’avance, dans des négociations préalables entre les cabinets de Berlin et de Paris, et que « l’intérêt spécial qu’a la France au Maroc, eu raison de sa situation de pays limitrophe, » n’y serait pas mis en question, non plus que « les