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française jusqu’à l’oued Guir et à la Moulouya. C’étaient là d’heureuses applications de la méthode tracée par les « accords Révoil-Guebbas ; » elles ont assuré la tranquillité définitive de la région des marches.

Malheureusement, depuis la disgrâce de M. Révoil, l’unité de direction si indispensable avait cessé d’être complète entre Paris et Tanger d’une part, Alger et Aïn-Sefra de l’autre. Le ministre des Affaires étrangères, ébloui par le succès de ses négociations avec l’Italie, l’Angleterre et l’Espagne, crut l’affaire marocaine définitivement réglée ; il sembla perdre de vue que les intérêts dont nous demandions aux puissances de reconnaître le caractère spécial et prépondérant, étaient d’abord des intérêts algériens et que, plus notre politique dans la région frontière serait active et plus nous acquerrions d’hypothèques sur tout le Maroc, mieux nous serions armés pour négocier avec les puissances et moins il serait malaisé d’amener le Sultan à accepter la collaboration française pour la réforme de son empire. A la période d’activité diplomatique en Europe et auprès du Sultan, correspondit une extrême timidité sur les frontières et au Maroc même ; l’exécution des « accords Révoil-Guebbas » fut en quelque sorte suspendue et toute marque d’activité sembla devenir un épouvantail à Paris et à Tanger. C’est ainsi que l’occupation de Ras-el-Aïn (Berghent), qui rentrait dans l’esprit des accords de 1901 et 1902 et complétait la ligne des postes organisés par le général Lyautey, provoqua une alarme hors de proportion avec l’importance de l’incident : certes il aurait été préférable que les représentans de la France au Maroc fussent prévenus que cette opération nécessaire allait être effectuée ; mais, la première surprise passée, elle aurait pu leur servir d’un puissant argument dans leurs entretiens avec le Sultan ; elle était bien propre à le persuader de la nécessité d’écouter les propositions et de suivre les conseils des hommes qui représentaient auprès de lui la paix et l’amitié, s’il ne voulait pas s’exposer à subir les entreprises des hommes de la guerre dont les impatiences, sur les frontières, ne pourraient bientôt plus être contenues. A Tanger même, lorsque les autorités marocaines chargèrent la France d’organiser un corps de police sous les ordres d’un officier français, les précautions dont nous crûmes devoir entourer l’accomplissement de ce mandat parurent à bon droit exagérées. On pourrait multiplier ces exemples de défaillances partielles et de