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AMES CELTES

DERNIÈRE PARTIE[1]


...La terre où l’on ne connaît pas la terreur de la mort…
Horace.


VIII

Enfin, c’était le retour. Après la longue semaine de chevauchées et d’aventures, on revenait, non plus par les forêts aux ombres vertes, non plus au cri des bêtes qu’on égorge et aux aboiemens des chiens, mais le long des falaises et des grèves, et si près du flot berceur que les lames courtes, venaient mourir aux pieds des chevaux. Et justement un de ces clairs soleils sans brume, si rares dans les hivers de Bretagne, se levait sur la lande. La splendeur de la lumière, dans l’air froid et pur, dorait jusqu’aux ajoncs et aux buissons morts. L’Océan pâlissait encore, à ces rayons, le vert transparent de ses lames. Par instans seulement il redevenait tragique, se colorant du rouge ardent, du bleu sombre des falaises où les vagues se brisaient…

Ahès marchait en avant et seule. Elle respirait longuement la brise du large. Elle allait sans hâte, vers la grande joie dont elle ne détachait plus sa pensée, tant l’attente même en était exquise et la transportait hors de l’existence réelle. Elle n’avait pas revu Rhuys depuis l’aveu. Elle ne savait pourquoi elle ne lui avait presque rien dit alors, rien que les paroles définitives.

  1. Voyez la Revue du 1er décembre.