Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/814

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur prouve tout, et je me trouvais dans ce cas. Il faut alors que ces sceptiques en fait de religion restent égarés dans le dédale de la métaphysique ; ou bien qu’à force de méditation et de philosophie, ils parviennent à soulever presque tous les voiles du sanctuaire, et à parcourir le cercle entier des connaissances religieuses, pour revenir enfin, les yeux ouverts et un flambeau à la main, dans le même endroit où l’humble foi les aurait laissés paisiblement, son bandeau sur les yeux.

« J’ai heureusement parcouru le cercle ; mais encore plus heureux celui qui n’a pas besoin de faire le tour du monde pour retourner au point d’où il était parti !

« Avec un cœur plein de zèle et un esprit égaré, mais résolu de ne prendre du repos qu’après avoir distingué la vérité, j’entrepris ce long pèlerinage de la pensée. Celui qui m’en inspira la résolution m’entretint dans la persévérance.

« Je m’aperçus d’abord qu’en matière religieuse, la solution de la vérité dépend moins de l’effort de notre esprit, que de la disposition de notre cœur ; que sur ces questions qui tiennent autant au sentiment qu’à l’intelligence, l’aveugle raison s’égare et tombe, si elle veut marcher seule d’un pas présomptueux ; qu’il faut que la vertu lui prête le ferme appui de son bras, et que la charité seule peut délier le bandeau que le vice et l’erreur retiennent sur nos yeux. Je reconnus que dans la nuit obscure de la métaphysique religieuse, la vérité ne se montre que par éclairs qu’il faut saisir, et comme une flamme que l’humble prière allume et que l’orgueil éteint. C’est pourquoi tant de personnes sont si peu propres à cultiver cette science, tandis qu’elles sont si habiles dans toutes les autres.

« Je commençai donc par prier, et, plus en rapport avec Dieu, je devins meilleur, plus calme, plus au-dessus de l’infortune, plus apte à discerner la vérité.

« Séquestré des hommes, et sans distraction, je pus me concentrer tout à fait en moi-même, et je découvris que cette concentration est le plus puissant moyen d’atteindre directement le vrai. Les anciens ont ingénieusement placé la vérité dans le fond d’un puits : mais ils auraient dû ajouter que ce puits se trouve creusé lui-même au fond de notre âme. C’est là que notre pensée découvre des régions spirituelles, éthérées, inconnues, où elle peut déployer à son gré toute l’activité de ses ailes. Là se trouve cet abîme des idées, dont il est impossible d’assigner la