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LA
LA CONVERSION D’ISNARD[1]


I

Avant d’entrer dans la vie politique, Maximin Isnard, celui qu’on a appelé, par paresse de langue, le girondin Isnard, n’avait point d’histoire. Il appartenait à cette grande foule anonyme du Tiers État, qui, surtout dans le Midi et plus particulièrement en Provence, s’agitait, se travaillait, et fit la Révolution. Né à Grasse, « la gueuse parfumée[2], » sur les dernières pentes d’une colline fouettée par le mistral, rôtie par le soleil, toute vibrante de cigales, tout odorante de mille effluves, à trois lieues et en face de la grande mer d’azur, on devine sans peine quelle influence ce sol dut avoir sur sa parole violente, enflammée, aux images grandioses et imprévues. Il est plus que probable qu’il fit ses études, et de bonnes études, au collège que les Oratoriens étaient venus fonder à Grasse, quand il avait huit ans. La Révolution, qui doit tant d’hommes à l’Oratoire, lui doit-elle Isnard ? On ne sait. Du moins, ses maîtres lui

  1. Archives nationales. — Archives de la préfecture de police, Affaire des ex-conventionnels. — Proscription d’Isnard, Paris, chez l’auteur, l’an III de la République, in-8o, 98 pages. — Je dois, en outre, de précieuses informations sur Isnard à MM. Mireur, archiviste du Var, et Moris, archiviste des Alpes-Maritimes.
  2. Le mot est de Godeau, et je sais bien qu’il l’appliquait à toute la Provence. Mais Godeau fut évêque de Grasse précisément, et, entre toutes les villes de Provence, celle-ci passait, même encore au temps de la jeunesse d’Isnard, pour une des moins propres et à la fois des plus embaumées.