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M. Clémenceau ? Il ne l’a pas dit ; peut-être n’a-t-il pas osé le faire ; mais c’est évidemment à quoi il tend. Il a énuméré les trois résultats qui, d’après lui, découleront d’une loi mal faite. L’a-t-il fait bien clairement ? Qu’on en juge.

Ces trois résultats sont, dit-il : « d’abord de consacrer légalement une orthodoxie ; en second lieu, de fragmenter le privilège total du Concordat en une poussière de sous-privilèges agglomérés au profit de l’Église romaine ; et, en troisième lieu, de donner une garantie à l’organisation politique d’autorité romaine contre notre régime de liberté. » On se demande ce que veulent dire exactement ces formules qui ont quelque prétention à la rigueur scientifique. Un seul point se détache en pleine lumière : M. Clémenceau tend à constituer, d’évolution en évolution, une Église catholique qui serait séparée de Rome, ce qui est un non-sens et une contradiction dans les termes. De ces trois résultats, nous ne prenons pour le moment que le second, parce qu’il nous fournit, en y faisant un choix, des termes expressifs pour faire comprendre ce que serait l’Église rêvée par M. Clémenceau. « Oui, on aurait fragmenté le privilège du Concordat en une poussière de sous-privilèges ; » et dans cette poussière, où le bloc actuel de l’Église catholique se serait complètement émietté, on le rechercherait bientôt en vain. Il en aurait disparu. Si les associations cultuelles, multipliées par la concurrence qu’elles se feraient les unes aux autres en vue de se disputer des biens matériels, devaient aboutir à cette dissolution de l’Église, nous serions les premiers à conseiller aux catholiques de repousser des présens funestes et de renoncer à constituer, pour les recueillir, des associations cultuelles. Heureusement il n’en est rien. M. le ministre des Cultes a été hésitant et faible dans l’interprétation qu’il a donnée des articles 4 et 8 de la loi ; cependant il a donné la bonne, à savoir qu’il n’y aura pas d’associations catholiques en dehors de celles que les évêques auront reconnues. M. Clémenceau l’a accusé d’avoir, en parlant ainsi, mis les associations entre les mains des évêques, et du Pape, et c’est la vérité. Mais, ne l’eût-il pas fait, que la loi l’aurait fait à sa place, et on sait que, devant les tribunaux, un texte de loi a une autre autorité que les paroles d’un ministre ou d’un rapporteur. Or le texte voté est suffisant sur ce point. En vertu de l’article 4, complété, mais non pas modifié par l’article 8, il n’y a d’associations catholiques que celles qui sont conformes aux règles générales du culte. Ce n’est pas là, comme le soutient M. Clémenceau, un privilège accordé à ce culte, ni une consécration donnée à une orthodoxie : c’est une reconnaissance