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réciproquement, ni si, demain, la liberté relative que nous laisse encore la loi de séparation, un règlement d’administration publique ne s’élabore point, en ce moment même, qui la supprimera. Mais la vraie question, — dont celles-ci, comme toutes les autres, ne sont que des manifestations successives, — la grande question est de savoir si les sociétés ou les civilisations de l’avenir, et la civilisation française en particulier, seront « chrétiennes » ou ne le seront pas. C’est ainsi qu’elle est posée depuis les Encyclopédistes. « M. de… qui voyait la source de la dégradation humaine dans l’établissement de la secte nazaréenne et de la féodalité, disait que, pour valoir quelque chose, il fallait se défranciser et se débaptiser, et devenir Grec ou Romain par l’âme. » Ce mot n’est pas d’aujourd’hui, ni de Nietzsche, ou d’un rédacteur du Radical ou de l’Action, mais du XVIIIe siècle et de Chamfort. Il exprime admirablement la pensée de nos adversaires. La vraie question est de savoir si la France veut « se défranciser, » et le monde « se débaptiser. »

C’est encore à cette question que l’Assemblée de nos évêques de France devra répondre, et, quand elle aura décidé quelle doit être l’attitude de l’Église en face de la loi de séparation, nous lui demandons d’essayer de nous dire, en les définissant avec largeur et avec précision, les moyens dont l’Eglise dispose pour résister à l’assaut de la libre pensée. Des lamentations ne sauraient y suffire, ni des invectives contre la franc-maçonnerie, ni des manœuvres électorales, ni généralement de la littérature ou de la politique. Il faut chercher et trouver autre chose ! Si peut-être on l’a fait, ou si l’on a essayé, depuis quelques années, de le faire, ici et là, dans l’Eglise et hors de l’Eglise, en France et hors de France, le moment est venu de dire ce que valent ces tentatives ; de concentrer ces efforts dispersés ; de leur donner une direction convergente et commune ; de les « sérier, » comme l’on dit ; et de leur imposer, en même temps que l’unité, cette continuité d’action, sans laquelle ils sont toujours en danger de s’égarer et de manquer leur but, même et surtout en le dépassant. Si quelques positions, que l’Eglise ne saurait d’ailleurs abandonner, sont devenues « indéfendables » avec les ressources, les armes, et les moyens d’autrefois, il y faut donc appliquer des moyens nouveaux, des armes plus modernes et, généralement, des ressources non moins « actuelles » que celles de l’attaque. Quelle plus naturelle occasion de le faire qu’une assemblée