Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/674

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui restaient à vivre. Mais au moment où les Mozart l’ont connu, en décembre 1763, il pouvait encore espérer pour son œuvre, parue d’hier, le succès et la gloire que lui promettait Grimm ; sans compter que, à force d’entendre affirmer par son protecteur qu’il était « le plus fort » des musiciens français, il devait avoir fini, lui-même, par le croire. Et d’autant plus il convient de lui savoir gré de la bonne amitié qu’il a témoignée à son confrère salzbourgeois et à sa famille, tout le temps qu’ils sont restés à Paris. « Le plus honnête homme du monde, » écrivait de lui Léopold Mozart, qui du reste l’admirait fort, aussi, comme musicien, pour la « difficulté » de ses compositions.

Il jugeait tout autrement Schobert, le rival d’Eckard ; et en effet les deux rivaux étaient trop différens l’un de l’autre, de toute façon, pour que, admirant l’un d’eux, on ne fût point porté à détester l’autre. Mais Schobert, au contraire d’Eckard, était destiné à jouer, dans la vie artistique du petit Wolfgang, un rôle si durable et si important que j’aurai bientôt à parler de lui avec plus de détail. Je me bornerai seulement à noter ici que, plus jeune qu’Eckard de quatre ou cinq ans, il était Allemand comme lui, mais de l’Allemagne du Nord, — Silésien, suivant Grimm ; — qu’il demeurait, avec sa jeune femme, vis-à-vis le Temple, où il remplissait l’emploi de claveciniste du prince de Conti ; qu’il avait publié déjà cinq cahiers de sonates, qui tout de suite avaient beaucoup plu, bien que Grimm se fût ingénié à les déprécier ; et que, encore qu’il semble avoir été, à Paris, l’un des visiteurs les plus assidus de la famille des Mozart, le chef de cette famille, dans sa mauvaise humeur contre lui, allait jusqu’à l’accuser d’être « ridiculement jaloux » de la manière dont Marianne exécutait les sonates d’Eckard !


Après cela, on pense bien que ces visites de confrères ne suffisaient pas à satisfaire l’inquiète ambition du maître de chapelle salzbourgeois. Présenter ses enfans à la cour de Versailles, tel était le premier point du grand plan de campagne qu’il s’était tracé ; et il y avait des jours où il se demandait avec angoisse si cette présentation aurait jamais lieu. « Le deuil de la mort de l’Infante nous empêche encore de pouvoir jouer à la Cour, » écrivait-il, le 8 décembre, aux Hagenauer, pour s’excuser d’un retard qui ne devait pas être moins vivement ressenti à Salzbourg qu’à l’Hôtel de Beauvais. L’ « Infante » dont la Cour était