Mais au contraire sa femme et ses enfans, pendant ce temps, profitaient de leur liberté pour faire connaissance avec la glorieuse capitale que tout Salzbourg leur enviait de pouvoir admirer. Sous la conduite, peut-être, d’un commis de l’ambassade, ou simplement avec le secours d’une édition allemande des Curiosités de Paris, ils employaient la matinée à visiter les églises, et, d’abord, celles de leur rue et de leur quartier : le sombre Petit Saint-Antoine, presque vis-à-vis de l’Hôtel de Beauvais, les églises des Grands Jésuites et des Célestins, qui toutes deux conservaient, dans de beaux mausolées, les cœurs d’une foule de rois et de princes du sang, l’église Saint-Paul, somptueusement tapissée et dorée, et où l’organiste Daquin excellait à imiter le chant des oiseaux. La cathédrale, malgré la barbarie de son style gothique, avait aussi à leur offrir bien des choses curieuses : l’énorme Saint Christophe de l’entrée, la statue équestre de Philippe le Bel, tel qu’il avait pénétré dans l’église après une de ses victoires, le maître-autel de porphyre, entouré des figures agenouillées de Louis XIII et de Louis XIV, le trésor, avec ses vases de prix et ses reliquaires. Et tandis que la mère et la fille, en chemin, s’ébahissaient des modes nouvelles, ou s’indignaient du nombre des mendians, et des folles histoires qu’ils leur débitaient, le petit garçon, lui, se remplissait les oreilles de l’incessante musique des rues de Paris. Il écoutait les mille cris variés des vendeurs ambulans, les joyeuses chansons des maçons et des peintres, et tout le charmant répertoire de ces joueurs de vielle ou d’orgue mécanique qui, à chaque carrefour, lui déroulaient les airs favoris du Devin de village, d’Annette et Lubin, et du Bûcheron. Puis, les dévotions achevées, et en attendant l’heure du dîner, nos voyageurs s’en allaient aux galeries de bois du Palais-Marchand, où merciers, modistes, bijoutiers, papetiers, étalaient à leurs yeux ravis les plus récentes trouvailles du goût parisien ; ou bien, par la Vieille Hue du Temple, toute plantée de superbes hôtels, lentement on descendait sur les Boulevards ; et c’est là surtout, parmi l’innocente et bruyante gaîté d’une foire perpétuelle, que j’aime à me représenter le petit Mozart, pendant ces heureux premiers jours de son arrivée à Paris.
Car je n’ai pas encore assez dit combien, depuis son départ de Salzbourg et jusqu’au terme du voyage (ou plutôt, désormais, jusqu’au terme de sa vie), le « nouvel Orphée » était gai, espiègle, avide de plaisir, profondément enfant. Tous les