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où les élémens de la représentation nationale sont embryonnaires, où l’éducation politique n’est pas encore faite, où l’instruction scolaire est à peu près nulle, où sur d’immenses espaces une population clairsemée aspire vaguement à un bien-être qu’elle ne sait pas définir. » Le tableau est énergiquement et fidèlement tracé. Tous les pays de l’Amérique latine et bien des pays européens peuvent se l’appliquer. En dehors de l’Europe septentrionale et occidentale, des Etats-Unis et des colonies anglaises, le suffrage populaire n’est encore qu’un instrument entre les mains d’un homme ou d’une oligarchie, et les institutions libérales ne sont guère que des cadres à peu près vides.

Au témoignage même des personnes les mieux informées et les moins prévenues, ce n’est donc pas dans les institutions du Mexique, qu’il faut chercher le secret de sa prospérité, laquelle est d’ailleurs beaucoup moins ancienne que la constitution actuelle, qui remonte à 1857. Le véritable auteur de cette prospérité, c’est un homme, le général Porfîrio Diaz. Elu une première fois Président de la République en 1876, remplacé de 1880 à 1884 par un de ses lieutenans, réélu alors et sans cesse depuis, il a résumé en lui seul tout le gouvernement du Mexique pendant la durée d’une génération. Il a su s’entourer d’hommes compétens et appliqués ; il a fait appel à tous les partis. On a pu résumer son programme en ces mots : « Peu de politique et beaucoup d’administration. » Mais il ne faudrait pas entendre par là qu’il ait cru devoir immiscer l’Etat en toutes choses. Il a vu, au contraire, que la grande tâche du gouvernement, c’est simplement d’établir et de maintenir l’ordre, et il a veillé à ce qu’elle fût toujours accomplie. Depuis qu’il est au pouvoir, le Mexique ne connaît plus la guerre civile, le banditisme même est éteint depuis longtemps. L’ordre établi, on n’a pas essayé de substituer le gouvernement aux particuliers pour mettre en valeur le pays ; on n’a pas eu peur de l’initiative privée ; on n’a pas craint qu’elle privât l’Etat de ce qui lui était dû ; mais on l’a sollicitée, on s’est appuyé sur elle, on l’a débarrassée de toutes entraves, on lui a facilité la tâche, comme le témoignent la méthode employée pour l’arpentage des terres, la législation minière, hydraulique, industrielle. Le Mexique est un exemple éclatant des progrès rapides que fait un pays neuf lorsque l’État borne sagement son rôle au maintien énergique de l’ordre, à la suppression des impôts vexatoires et nuisibles au