Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/641

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses champs suffisent à nourrir ses habitans et leurs animaux domestiques. Formé, comme il l’est, d’un mélange d’Espagnols et d’Indiens, c’est-à-dire de deux races des plus frugales, le peuple se contente, il est vrai, de peu. Don Quichotte vivait de soupe « plus souvent de mouton que de bœuf, » et de pois chiches. La plupart des campagnards des plateaux se satisfont des pois chiches, et autres haricots, auxquels ils joignent des gâteaux ou des bouillies de maïs, mais se passent de la soupe et mangent encore moins de viande que l’ingénieux hidalgo ; de temps à autre seulement un peu de chito ou chèvre conservée, plus rarement encore de la viande fraîche, quoiqu’elle soit à fort bon marché. Dans les villes on consomme plus de nourriture animale et l’usage du pain de froment s’y est répandu aussi. Le blé réussit bien, en dépit d’une culture fort primitive[1], qui n’ignore pas seulement, comme aux États-Unis, l’usage des engrais, mais aussi, le plus souvent, celui des machines, et qui aurait grand besoin de se perfectionner.

Parmi les cultures vivrières, il faut encore ranger celle du maguey, grand aloès qui ne nécessite que très peu de soins, qui fournissait aux anciens Mexicains un aliment par ses racines, des vêtemens par ses fibres et une boisson fermentée par son suc. Aussi avaient-ils presque divinisé cette plante tutélaire. Aujourd’hui on n’en extrait plus que la boisson nationale, le pulque. Quand le maguey est prêt à fleurir, à l’âge de huit ou dix ans, on ouvre le cœur et on recueille chaque jour, pendant deux ou trois mois, six litres environ de liqueur qu’on fait fermenter pendant une semaine et qu’on consomme aussitôt, car elle ne se conserve pas. Aussi, un train spécial, el tren del pulque, amène tous les jours des environs d’Orizaba à Mexico ce breuvage laiteux, dont le goût a quelques rapports avec celui du cidre, et qui se vend 15 centimes le litre dans les villes. Une autre variété de maguey fournit le mezcal, boisson plus alcoolique, qui se conserve.

Il est très précieux pour un pays, surtout pour un pays neuf, où l’industrie est peu développée, de pouvoir alimenter sa population à l’aide des produits de son sol, comme le fait le Mexique,

  1. Pour la période 1898-1902, la production moyenne du maïs a été de 33 millions d’hectolitres ; on a récolté de plus 2 770 000 quintaux de froment, 3 400 000 hectolitres d’orge, 2 800 000 de haricots, 960 000 de pois, pois chiches, fèves et lentilles, 210 000 quintaux de patates douces et 92 000 de pommes de terre.