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Aujourd’hui encore, c’est la grande propriété qui est la base du régime rural mexicain, en dehors des terres collectivement exploitées par les Indiens que fait disparaître peu à peu l’application de la loi du Reparto. Il existe environ 8 000 haciendas ou grands domaines ; on en trouve assez souvent qui atteignent vingt lieues carrées et davantage, c’est-à-dire 60 000 hectares, la lieue mexicaine ayant 5 kilomètres et demi. Avec dix propriétés pareilles, on ferait un département français. Il n’est pas rare qu’il y vive jusqu’à 3 000 personnes. Cette population se compose principalement de péons, qui étaient autrefois des serfs ; aujourd’hui, ils ne peuvent aliéner perpétuellement leur liberté : tout contrat de ce genre serait nul et de nul effet au Mexique comme on France ; ils ne sont même le plus souvent engagés que pour m : an. Mais le régime aboli par la loi s’est en partie conservé dans les faits, et les péons demeurent en général très longtemps, et quelquefois de père en fils, au service du même propriétaire. Seulement, il faut maintenant que celui-ci les traite bien. L’extrême étendue des haciendas, leur éloignement fréquent de tout centre urbain, a des conséquences d’où pourraient naître certains abus. C’est l’hacendado — le propriétaire — qui fait venir tous les objets dont la population de son domaine peut avoir besoin et qui les vend dans ses magasins. Aux premiers temps qui suivirent la suppression du servage, certains hacendados, ou leurs intendans ou majordomes, le rétablirent d’une manière déguisée en poussant les Indiens à faire des dettes dont ils ne pouvaient ensuite se libérer. Aujourd’hui, de pareilles manœuvres ne sont plus guère possibles. Toute hacienda importante est pourvue d’une justice de paix, d’une école, les péons connaissent mieux leurs droits et sont d’autant plus portés à les faire respecter que la main-d’œuvre ne surabonde pas.

Les gains de ces travailleurs ruraux sont assez faibles et varient suivant les régions et les avantages accessoires dont ils jouissent. Vers 1890, on évaluait la moyenne des salaires agricoles à 36 centavos ou centièmes de piastre soit 90 centimes par jour. La demande toujours croissante des bras, jointe à la baisse de la piastre, a dû élever ce niveau. D’après M. le sénateur Gomot qui a rédigé pour le Mexique au XXe siècle la partie relative à l’agriculture, les péons d’haciendas, logés, recevraient une demi-piastre par jour dans les terres chaudes, un quart de piastre seulement sur les hauts plateaux ; mais, en ce cas, on fournit au