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que ce sont des races inférieures, et ils sont d’autant plus portés à les considérer comme telles qu’ils sont eux-mêmes des échantillons moins relevés de la race supérieure. D’ailleurs, on ne s’expatrie que dans l’espoir de trouver dans le pays où l’on va s’établir un sort meilleur que dans celui que l’on quitte, et ce que la plupart des immigrans recherchent d’abord, ce sont des salaires élevés. Mais la présence de nombreux indigènes a pour premier effet de fournir une abondante main-d’œuvre à bon marché, assez défectueuse sans doute, mais qui n’en est pas moins un obstacle à la hausse des salaires pour les travaux courans. Les seuls qui puissent espérer une bonne rémunération de leur travail sont les ouvriers qualifiés et spéciaux, les contremaîtres et autres. Ce n’est qu’une élite. En ce qui concerne les classes agricoles, les simples journaliers sont écartés, nous l’avons dit, par la concurrence des Indiens, et les gens susceptibles de devenir propriétaires conçoivent plus de craintes des déprédations des indigènes, que d’espoir dans leur concours ; ils préfèrent se diriger vers les pays complètement libres.

Peut-être, avec le temps, de sages mesures administratives, une habile réclame comme en pratiquent d’autres pays neufs, le Mexique parviendra-t-il cependant à attirer vers ses rivages un filet du large courant de l’émigration italienne. Rien ne serait plus heureux que de voir une partie des nombreux Latins qui quittent l’Europe venir renforcer cette sentinelle avancée de l’Amérique latine, au lieu de se perdre dans la masse anglo-saxonne aux États-Unis.

Doué comme il l’est par la nature et peuplé d’habitans dont une partie est encore primitive et ignorante, mais qui n’en possèdent pas moins de grandes et viriles qualités, le Mexique devrait être depuis longtemps un pays progressif et prospère. Malgré la rigidité excessive et les abus divers du vieux système colonial, malgré les épidémies qui avaient réduit sa population, il était parvenu, il y a cent ans, grâce à des réformes administratives et aux vice-rois de grand mérite qui le gouvernèrent au XVIIIe siècle, à un réel développement. La Nouvelle-Espagne était alors la plus riche de toutes les colonies européennes, les 135 000 habitans de Mexico faisaient de sa capitale la plus grande ville du Nouveau Monde. La population atteignait, d’après Humboldt, 6 422 000 habitans en 1810, le commerce s’était élevé, en 1802, jusqu’à 60 millions de piastres.