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arrivés au degré de civilisation qu’avaient atteint les Toltèques et les Aztèques, les Zapotèques, les Mayas ne sont assurément dénués ni d’intelligence ni d’énergie. Bien des exemples individuels prouvent que les Indiens, lorsqu’ils peuvent acquérir l’instruction nécessaire, ne le cèdent en rien aux blancs. Il suffit de rappeler que le fameux président Juarez était de pur sang zapotèque et que, dans les veines du général Porfirio Diaz, qui, depuis vingt-cinq ans, gouverne le Mexique, y a rétabli et maintenu l’ordre et la prospérité, coule plus de sang indien que de sang blanc.

« Dieu a fait le blanc, Dieu a fait le noir, le diable a fait le mulâtre, » dit un proverbe méchant et qu’il ne faudrait pas croire toujours vrai. Il l’est assez souvent cependant lorsqu’on le restreint au croisement de la race blanche et de la race noire, trop différentes, semble-t-il, pour que la combinaison des deux sangs puisse donner d’heureux résultats. Il deviendrait tout à fait faux si l’on prétendait l’appliquer aux métis de blanc et d’Indien. L’exemple illustre que nous venons de citer suffirait à le démontrer. Il n’est pas unique en son genre : dès le lendemain de la conquête, Cortez, donnant l’exemple, épousa une native de l’isthme de Tehuantepec, doña Marina, qui lui rendit les plus grands services comme conseil et interprète. Certains des chefs indigènes qui s’étaient ralliés au nouveau régime et avaient embrassé le christianisme épousèrent aussi des Européennes ; beaucoup plus souvent encore leurs filles se marièrent avec des Espagnols, même de très haut rang. Ainsi un fils de l’empereur Montezuma, amené en Espagne par Fernand Cortez avec d’autres nobles Indiens, demeura en Europe, eut des descendans qui épousèrent des Espagnoles ; ces héritiers sont aujourd’hui grands d’Espagne et portent le titre de ducs. L’un d’eux, José Sarmiento Valladarez, comte de Mocteuhzoma y Tula, fut même vice-roi de la Nouvelle-Espagne de 1697 à 1701 ; quatre filles de Montezuma épousèrent des Espagnols. Ce fut un principe politique chez Fernand Cortez d’hispanifier l’aristocratie indigène. Les seigneurs féodaux ralliés conservèrent la plupart de leurs privilèges et de leurs terres. Ils s’absorbèrent dans les classes supérieures espagnoles, et leurs descendans furent considérés, non comme des métis mais comme des blancs purs, ce qui était d’autant plus facile que, dès la seconde génération, le sang rouge ne laisse plus de trace reconnaissable.