largement perforées pendant le combat. Elle ne fut pas entendue. La modification apportée au Tonnerre lui-même eût été inefficace en temps de guerre.
Aux cuirassés genre Redoutable, succéda l’Amiral-Duperré, qui inaugurait chez nous un modèle original reproduit ensuite, dans ses grandes lignes, pendant vingt ans. Par un retour à un vieil usage français, des réductions du Duperré furent construites pour le service des stations ; elles constituèrent la classe Boyard. Tous ces bâtimens, de même que leurs prédécesseurs, sont dépourvus de protection cellulaire, et, de plus, bien que privés de réduit central, ils n’ont qu’une hauteur de ceinture cuirassée très inférieure à celle dont le Tonnerre avait prouvé la nécessité. Ils témoignent, avec évidence, du fâcheux abandon des tentatives faites pour diriger rationnellement la recherche de la protection contre l’artillerie.
On me permettra sans doute de ne point trop scruter ici l’origine des interminables délais qui ont retardé, de 1873 à 1881, la mise en chantier de notre premier croiseur à flottaison cellulaire, et qui, plus funestes encore à nos cuirassés de ligne, ont fait ajourner pour eux la correction des défauts graves, entrevus dès 1870, jusqu’à l’année 1902, jusqu’à 1896 tout au moins, si l’on tient compte de la circonstance accessoire du Henri-IV, devançant de six ans la construction des cuirassés du type Patrie. Il serait oiseux de s’appesantir sur les accusations d’ignorance et d’apathie générales, bien que ces deux qualificatifs, le premier surtout, n’aient ici rien d’excessif. Il est plus pratique d’examiner si nos institutions maritimes, en particulier, sont en cause. L’usage est assez répandu de faire, du Conseil des travaux, le bouc émissaire chargé chez nous de tous les péchés d’Israël. Un amiral, de ceux dont notre marine s’honore le plus, qui a bien su manier ses organismes, et qui a présidé un instant avec éclat à ses destinées, a résumé d’un trait cette opinion courante sur le Conseil, en disant que les projets entachés de nouveauté y sont presque toujours l’objet d’une de ces solutions négatives chères aux assemblées bigarrées[1]. Il avait présent à l’esprit, en écrivant ces lignes, le vote négatif de 1873, il avait surtout gardé un vif souvenir de l’accueil plus que froid fait au projet du Napoléon, vingt-six ans auparavant. Il faut cependant
- ↑ La Marine et son budget, par le capitaine de vaisseau Th. Aube. — Revue des Deux Mondes du 1er juillet 1874.