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de navires, dont la maison Armstrong s’est longtemps fait une lucrative spécialité. Il n’est pas inutile de conserver les deux noms de bâtimens protégés et bâtimens à flottaison cellulaire, pour distinguer deux systèmes défensifs, dont la valeur est très différente au point de vue de la stabilité.

Les croiseurs français construits de 1872 à 1880 n’offrent pas d’intérêt. Il y eut d’abord trois navires en fer à revêtement de bois, imités de l’Inconstant, dont l’un du moins, le Duquesne, rendit de longs services et fit honneur à son auteur par la perfection de ses détails. Puis vinrent les croiseurs en bois, uniquement protégés contre le danger de couler ou de chavirer par la certitude préalable de brûler. Les plus petits, type Villars et type Lapérouse, ont des excuses ; les quatre frégates de la classe Iphigénie se justifient difficilement.

Pendant la même période, nos cuirassés de ligne nouveaux, Redoutable, Dévastation, Amiral-Courbet, furent des imitations du modèle Alexandra, antérieur à l’Inflexible anglais. Le premier d’entre eux a eu, comme on sait, grâce aux belles recherches de M. J. Barba à Lorient, l’honneur d’inaugurer la substitution générale de l’acier au fer dans les constructions navales.

Les gardes-côtes du type Tonnerre, imités du Glatton, afin de compléter, avec le Duquesne et le Redoutable, la série des copies anglaises, ont présenté une singularité unique, qui est d’un grand intérêt pour notre sujet. Le Glatton était un monitor de largeur moindre que les bâtimens américains, surmonté d’un caisson blindé qui portait la tourelle ; ce caisson fournissait en même temps le complément de stabilité rendu nécessaire par la largeur adoptée. Dans la copie française, le caisson supérieur ne fut pas prolongé jusqu’en abord, ce qui amena, pour la stabilité, la conséquence commandée par les principes. Dans la giration à toute vitesse, en venant sur la gauche, le Tonnerre chavirait. L’expérience, heureusement, ne fut pas poussée à fond ; la barre fut redressée à temps. Les terribles catastrophes du Captain et du Victoria et les exemples tirés des guerres récentes prouvent qu’on ne plaisante pas avec la stabilité des navires.

La leçon du Tonnerre enseignait à quel danger sont exposés tous les cuirassés de ligne trop étroits pour se soutenir à la façon des monitors, lorsque les superstructures légères, qui complètent leur stabilité en temps de paix, sont détruites ou