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des écoutilles ne permettrait plus de songer au cuirassement de 1872.

Je terminerai cette description, en indiquant que l’artillerie était disséminée dans des tourelles, qui la protégeaient uniquement contre les éclats et qui étaient distribuées en vue du tir par le travers.

En regard des motifs justifiant les innovations proposées, on pourrait s’attendre à trouver ici l’exposé des objections soulevées ; mais ces objections n’ont jamais été formulées, en dehors d’une vague crainte de complication pour le service courant. Je dois donc me borner à décrire les phases du débat à la suite duquel le projet a été repoussé.

Le premier accueil fut réconfortant pour l’auteur un peu inquiet d’abord de l’audace de ses propositions. Le Conseil des travaux, recomposé après la guerre, réunissait, en 1872, une véritable élite, et comme caractère, et comme science. Quelques-uns des membres sont encore en vie ; pour ne parler que des morts, je citerai l’amiral Touchard, président du Conseil, l’amiral Coupvent-Desbois, et le bienveillant Robiou de Lavrignais, inspecteur général du Génie maritime. Le commandant Serre, plus tard amiral, choisi comme rapporteur, s’était dévoué à son œuvre ; il venait à Cherbourg éclairer avec moi les points litigieux et me donnait des avis excellens. Au-dessus du Conseil ainsi disposé à l’approbation du projet, planait l’influence du prince de Joinville, qui s’était fait apporter les pièces, les avait étudiées à fond et agissait directement sur le ministre.

Avec les atouts en main, la partie pouvait se gagner. Il m’a été reproché de l’avoir perdue faute d’un peu d’habileté. Je ne puis invoquer comme excuse l’inexpérience de mes trente-deux ans, parce que plus tard, et jusqu’en 1905, je n’ai jamais eu recours aux finesses diplomatiques dans les questions de métier. Ce qui est vrai, c’est qu’en 1872, je n’avais point médité sur l’histoire de la marine et découvert, par moi-même, cette vérité aujourd’hui banale, que la construction navale n’a jamais fait de grands pas en avant par le jeu régulier de nos institutions, et que les époques brillantes de notre marine coïncident toujours avec une impulsion puissante venue du dehors. Je laissai donc échapper l’occasion de voir et d’intéresser M. Thiers, au retour des provinces de l’Est, où j’avais été baraquer l’armée d’occupation allemande. Je ne connus d’ailleurs que trop tardivement,