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depuis un siècle. On ne se bat pas toujours sur mer, mais on se toise de près ; on se juge sans cesse, et les marines s’estiment l’une l’autre, d’après les avances prises et les progrès réalisés. Rien ne dénote plus clairement l’incompétence en matière maritime que la pensée de faire pour soi-même l’économie des tentatives nouvelles, en laissant à d’autres la charge des expériences coûteuses. L’intérêt de nouveauté, que présentait le projet de 1872, suffirait donc à le faire analyser, si, par ailleurs, un autre motif n’engageait à s’arrêter un instant sur lui. Ce projet, après quelques remaniemens en 1873, est arrivé aux dispositions, vers lesquelles on a ensuite peu à peu tendu partout, et que reproduisent presque identiquement nos bâtimens les plus nouveaux ; sa description est donc d’intérêt actuel, et, donnée ici, elle dispensera de s’étendre plus loin sur les détails du système défensif moderne.

Un pont blindé de cinq centimètres d’épaisseur fut substitué au simple pont étanche, établi au pied de la tranche cellulaire dans le projet de 1870. La position et la forme de ce pont étaient étudiées, de manière à le mettre à l’abri de l’atteinte des projectiles. Les coups de pont étaient fort redoutés en 1872 et ils doivent toujours l’être, car un projectile qui frappe un pont, même quand il ne traverse pas, peut très bien crever des tuyaux de vapeur placés au-dessous du pont.

Sur le pont blindé, qui couvrait ainsi les parties vitales, et jusqu’à une hauteur de plus de deux mètres au-dessus de la flottaison, régnait la tranche cellulaire, grand radeau insubmersible, propre à bien assurer la flottabilité et la stabilité du navire. Deux séries rectangulaires de cloisons verticales étanches partageaient cette tranche en compartimens, spacieux près de l’axe du navire, plus restreints en allant en abord, véritables cellules au voisinage des murailles, là où l’invasion de la mer déplace la position angulaire d’équilibre et supprime d’une manière dangereuse le balancement qui fait la stabilité. Dans l’entrepont ainsi cloisonné, plus particulièrement en abord, trouvaient place les approvisionnemens, le charbon pour sa grosse part, les vivres, sauf une réserve mise à l’abri, tout ce qui peut, par son encombrement, faire obstacle à l’entrée de l’eau. Les fonds du navire, les vieilles soutes de l’ancienne marine, ne contenaient plus que le moteur avec tous les organes vitaux, les munitions de guerre et les approvisionnemens qu’il