bouleversement, jusqu’à ce que, par la loi de la pondération, l’équilibre se trouve rétabli. C’est la guerre à laquelle succède la paix qui établit sur de nouvelles bases les rapports entre les États. Mieux elles répondent à la réalité et à la justice, plus la paix est solide et promet d’être durable.
Pour illustrer ces théories par des exemples, il suffirait de se rappeler la situation de l’Europe au commencement du XIXe siècle, à l’issue des guerres de l’Empire, après le congrès de Vienne. Le rôle de l’Autriche, grâce à l’habileté de Metternich et à son alliance avec Talleyrand, y avait été singulièrement exagéré. Elle avait non seulement pris une place prépondérante au centre de l’Europe, dans la Confédération germanique, mais elle s’était étendue au Sud du côté de l’Italie et, profitant du principe de légitimité qui était une doctrine nouvelle inscrite dans le droit des gens, elle s’était assuré la possibilité de conserver longtemps encore ses acquisitions récentes, et même de les étendre. Des émeutes et des révoltes surgissaient çà et là ; les peuples réclamaient des droits que les principes dominans leur refusaient. Il a fallu des révolutions étendues, de grandes guerres et de graves bouleversemens pour asseoir la paix européenne sur de nouvelles bases. En revanche, la place assignée à la Prusse dans la Confédération germanique était inférieure à sa valeur et [signification réelles ; et, ces dernières croissant continuellement, l’écart devenait toujours plus grand. Ce n’est que la guerre de 1866 qui assura à la Prusse en Allemagne le rôle qui lui revenait en réalité.
Notons ici que, lorsqu’il est question de la valeur réelle et de la force d’un État, il ne faut évidemment pas avoir en vue la force militaire seule. Celle-ci ne forme qu’un des élémens de la puissance. C’est l’ensemble des ressources d’un pays qui en constitue la valeur réelle. C’est cet ensemble qu’il représente au dehors, qu’il porte sur le marché international et qui détermine son poids dans la balance politique. La richesse économique, le degré de civilisation, l’état des finances, la solidité de l’ordre intérieur, — tout cela, ce sont des facteurs qui, à côté d’une bonne force armée, sont des titres à l’influence politique. Il n’y a pas jusqu’au sentiment patriotique et à une bonne diplomatie qui ne soient des élémens de puissance pour un pays, en tant que cette puissance se produit au dehors et y exerce son effet sur la position de ce pays à l’égard des autres.