Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en documens précieux, présentés et commentés avec cette précision à la fois élégante et discrète qui, naguère encore commune à la plupart des prosateurs italiens, ne se rencontre plus, à présent, que chez un trop petit nombre d’entre eux. En quelques pages, et presque sans avoir l’air d’intervenir personnellement, M. Sforza nous renseigne, de la façon la plus complète, sur les premiers essais du roman historique italien, qui tous, du reste, ont été postérieurs à la rédaction des Fiancés ; sur les motifs qui ont conduit Manzoni à écrire un roman, et à y traiter le sujet qu’il y a traité ; sur les sources principales où il a puisé ; sur les lents progrès de son travail ; sur les hésitations et le désaccord des critiques italiens, en présence de son livre, jusqu’au jour où l’enthousiasme unanime du public les a enfin réunis, à leur tour, dans une admiration désormais sans réserve. Et tout cela a encore rehaussé l’intérêt littéraire de la publication nouvelle, où nous était offerte une série de chapitres des Fiancés dont l’existence, en vérité, était depuis longtemps connue des lettrés, mais dont personne ne nous avait encore donné une édition entière, ni entièrement conforme aux manuscrits originaux.

De ceux de ces chapitres qui sont de véritables « brouillons, » et dont le contenu a été repris ensuite par Manzoni sous une autre forme, je dirai seulement qu’ils nous font voir le romancier italien toujours assez peu préoccupé de corriger son style, en homme assuré d’avance que son style sera bon, pourvu qu’il exprime simplement et clairement la pensée de l’auteur. C’est en effet sur la pensée, sur la présentation des faits et leur enchaînement, que portent les corrections successives de Manzoni ; et souvent même on a l’impression que, pour donner à son récit une allure plus vivante, il tâche à l’alléger de tous les ornemens poétiques dont il n’avait pu d’abord se défendre de le revêtir. De copie en copie, sa phrase prend un tour plus familier, sans cesse gagnant en douceur souriante ce qu’elle perd en éclat et en sonorité romantiques. Et, aussi bien, est-ce au fond comme à la forme du roman que s’applique cette méthode continue d’allégement et de simplification : de telle sorte qu’il y a, dans les deux volumes nouveaux, mainte page qu’on serait tenté de préférer à celle que lui a substituée l’auteur dans sa version définitive, si l’on ne découvrait ensuite que, dans le cours du roman, elle eût risqué de paraître trop longue, ou trop ambitieuse.

Mais surtout ces volumes nous révèlent une dizaine de chapitres que l’on ne saurait pas appeler des brouillons, car ils n’ont pas été remplacés dans la version dernière. Après les avoir maintes fois récrits.