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Je sais ce que le rire ajoute
Au charme de votre beauté,
Et sa grâce lorsqu’elle goûte
La tendresse ou la volupté ;

L’odeur de votre chevelure
Et le parfum de votre peau
Ont en mon souvenir qui dure
Un arôme toujours nouveau.

Vous êtes les mots d’un poème,
Dont le sens caché transparaît ;
Mais de la strophe de vous-même
Le rythme demeure secret.

Et, si je cherche votre nombre,
Il me semble, ô beauté, tout bas,
Que j’entends s’effeuiller dans l’ombre
Des roses que je ne vois pas.


LE SATYRE IVRE ET TRISTE


Jadis, quand le printemps venu gonflait l’écorce
Des arbres, je sentais sa vigueur en ma force,
Et mon sang imitait en mes membres jumeaux
Le retour de la sève aux fibres des rameaux.
De mes sabots de bouc à ma tête cornue
Quelque chose montait en toute ma chair nue
De si fort, de si délicieux, de si doux
Que je restais ainsi haletant et debout
Comme si, de la terre et de l’air à la fois,
Voluptueusement se répandait en moi
Diverse, formidable et soudaine, l’ivresse
Nouvelle, tout à coup, d’une double jeunesse !
Mais, maintenant, hélas ! ô Maître, que m’importe
Si la feuille renaît ou si la feuille est morte,
Que me fait le printemps puisque son clair retour
Ne rend plus sa verdeur à mon corps las et lourd,